Alors que Livres Hebdo célèbre en septembre les cinq ans de sa nouvelle formule, la rédaction a interrogé plusieurs acteurs du monde du livre pour leur demander où ils se voyaient dans cinq ans. À en croire quelques-unes des personnes interrogées, nous voilà à l’aube d’un grand basculement.
Accélération de l’histoire ? Il y a cinq ans nous aurions peut-être demandé à ces professionnels comment ils s’imaginaient dans vingt. Toujours est-il que ces quelques réponses apporteront des esquisses de solution et des raisons d’espérer, au moins autant que de s’inquiéter. Aujourd’hui retour vers 2030 avec Nicolas Richard, traducteur, auteur de Gunks. Chronique du temps insouciant (Arthaud, 2025) :
« Le livre ne meurt pas complètement mais il circule dans les marges »
« Dans cinq ans, c’est l’effondrement général. Les guerres au Moyen-Orient et en Ukraine se sont intensifiées et ont métastasé. Les États-Unis et l’Europe s’écroulent politiquement et économiquement. Stephen Markley avec Le déluge [traduit par Charles Recoursé, Albin Michel, 2024] – et Russell Hoban avec Enig Marcheur [traduit par Nicolas Richard, Monsieur Toussaint Louverture, 2012] avaient vu juste. Le premier roman se focalise sur les réactions politiques et collectives face à l’amplification dramatique du dérèglement climatique. Le second, postapocalyptique, offre une chronique d’un monde où les vies et la langue ont été atomisées. Dans ce contexte, avoir un métier rémunéré est chose rare.
« Le coût écologique et moral du gadget IA par rapport à son bénéfice réel est exorbitant »
Notre monde a basculé. Le livre ne meurt pas complètement mais il circule dans les marges, s’échange sous le manteau. On n’est plus que rarement payé pour traduire. C’est la débâcle. L’usage industriel et systématique de l’intelligence artificielle a contribué à l’état de déliquescence général. En réaction, une partie de la population refuse la «grande connexion » : plus de réseaux sociaux, plus d’ordinateurs, plus d’amis virtuels. Le coût écologique et moral du gadget IA par rapport à son bénéfice réel est exorbitant. Nous sommes alors un certain nombre à nous éloigner des grandes autoroutes commerciales dominées par les algorithmes. La traduction et l’écriture redeviennent des activités de résistance. Nous entrons dans la clandestinité. »