19 janvier > roman France

A la fin des années 1960, Octave Dunoyer et Marie-Thérèse Wenderberg fréquentaient le même disquaire situé rue de la Chaussée-d’Antin à Paris, Le Domaine du disque. Les deux protagonistes principaux du nouveau roman de Frédéric Vitoux affichent cependant des goûts différents en matière de classique : l’un aimait le Mozart de Don Giovanni et l’autre le Richard Strauss du Chevalier à la rose.

"Tout se joue d’abord du coin de l’œil", écrit l’auteur de Fin de saison au palazzo Pedrotti (Seuil, 1983, repris chez Points) et de Grand hôtel Nelson (Fayard, 2010, repris au Livre de poche) en racontant leur rencontre. L’air ahuri et l’indécision du jeune homme. L’assurance et l’éclat de la femme plus âgée. Leur joute verbale avant un premier café pris au Royal Trinité et le début d’une liaison amoureuse.

Octave est un solitaire qui s’essaye à l’écriture, se déplace en Solex et déteste attendre. Marie-Thérèse s’est mariée trop jeune à un notaire de province dont elle n’était pas amoureuse, ce maître Wenderberg qui officie dans le Berry. Elle travaille comme directrice littéraire aux éditions de l’Abbaye, dirigées par Robert Le Chesneau.

Ce qui va l’aider à bientôt défendre le premier roman d’Octave devant les représentants, un coup d’essai intitulé Le quarante et unième mouton. L’histoire étrange d’un insomniaque qui compte les moutons et trouve seulement le sommeil quand arrive le quarante et unième. Pierre, le narrateur et double littéraire de Frédéric Vitoux, a connu Octave au lycée Charlemagne. Marie-Thérèse, il lui arrive également de la croiser par l’entremise de sa femme Henriette, employée d’Hachette.

Pierre, quant à lui, écrit une thèse de troisième cycle sur Louis-Ferdinand Céline tout en tenant la petite librairie de la rue Saint-Louis créée par sa chère Henriette. Avec sa finesse habituelle, l’académicien français fait ici renaître une France qui digère la guerre d’Algérie et s’apprête à respirer l’air de Mai 68. Une époque où Jacqueline Piatier faisait la pluie et le beau temps dans Le Monde, où Philippe Tesson dirigeait Combat et où Pierre Dumayet animait l’émission "Lectures pour tous". L’écrivain est semblable à son narrateur, il prise les demi-mots et la subtilité. Ce qui lui permet d’exceller dans une comédie mélancolique où il réussit un double portrait. Celui d’un débutant fougueux qui affiche "un scepticisme face à toutes les formes d’engagement possible". Tout comme celui d’une femme qui se sait rattrapée par le temps, veut profiter de la vie et du crépuscule de sa beauté. Alexandre Fillon

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