Essai/France 11 septembre Vincent Peillon

Peut-on faire de la politique sans faire de promesses ? Machiavel répondait que non, même si on sait que l'on ne pourra les tenir. Vincent Peillon ajoute un peu de complexité dans le raisonnement du Florentin. Dans sa radicalité, Machiavel affichait une certaine forme de cynisme en considérant qu'il n'y avait que des méchants. Peillon sait qu'il y a aussi des justes. D'où cette proposition : « Il est donc essentiel à la promesse de pouvoir ne pas être tenue. » Venant d'un responsable politique, la sentence risque d'être mal comprise. Venant d'un philosophe, elle s'explique. « Pour conquérir le pouvoir, l'homme politique fait des promesses ; puis, pour l'exercer, il les trahit ; enfin, pour le conserver ou le reconquérir, il fait de nouvelles promesses. » La logique est terrible, mais faut-il pour autant s'en passer ? C'est là que la réflexion révèle toute sa finesse.

L'ancien ministre de l'Education nationale dans le gouvernement Ayrault montre combien le mot « promesse » est piégé, à tel point que pour éviter de faire des promesses qu'ils ne tiendront pas, les candidats parlent désormais d'engagements. Mais la différence est de taille : « Je m'engage, alors que je te promets. » On se souvient de la formule reprise par Jacques Chirac, « les promesses n'engagent que ceux qui les écoutent ». Mais ce serait trop simpliste de réduire la promesse à son émetteur.

Vincent Peillon tire de tout cela une méditation sur la morale en politique et sur la nécessité de ne pas insulter l'avenir. Car sans promesses il n'y a plus rien à espérer. En fait, les promesses nous tiennent davantage que nous les tenons. Elles sont des « illusions nécessaires », pas seulement des leurres destinés à tromper l'électeur. C'est peut-être cette notion essentielle qui a été oubliée et qui est rappelée ici. Cette petite phénoménologie de la promesse qui passe par Machiavel, Kant, Descartes, Ricœur ou Merleau-Ponty dont Peillon est un spécialiste, interroge aussi les religions qui usent abondamment du concept.

Dans Eloge du politique (Seuil, 2011), Vincent Peillon soutenait que nous vivions la mort du politique. Cet avis de décès s'expliquerait en grande partie par l'absence de promesses, c'est-à-dire d'utopie. « La promesse est autant promesse de quelque chose que promesse faite par quelqu'un à quelqu'un. » Finalement, il n'y a que les Gascons qui font des promesses crédibles.

Vincent Peillon
La promesse
PUF
Tirage: NC
Prix: 12 euros ; 128 p.
ISBN: 9782130819059

Les dernières
actualités