Sous son titre superbe - un alexandrin emprunté à Racine -, ce premier roman de Sébastien Bonnemason-Richard est un exercice de style chic et intello, truffé de citations et de références. De poètes essentiellement, Rimbaud, Jaccottet ou Lorand Gaspar. Mais Nabokov est aussi convié. Un mini-thriller glacial et sophistiqué, un road-movie introspectif où on se laisse porter par le narrateur.
Un jeune galeriste bordelais qui, un jour, met ses affaires en ordre et part, sans espoir de retour. Il plante ses amis, résilie son abonnement téléphonique, et confie la galerie à Laura, son assistante, qu'il a formée en catimini depuis longtemps. Ce garçon n'est pas du genre à s'en remettre au hasard. Seul dans son 4×4, outillé d'un GPS, il s'apprête à parcourir 1 795 km, de Bordeaux jusqu'à Aberdeen, pour retrouver la fille qui fut son grand amour, qui l'a quitté, mais dont il est persuadé qu'elle l'attend toujours, dans son hiver écossais. C'est ce qu'on apprend au fil des flash-back qui émaillent le périple. Et il la retrouve, en effet. Il l'attend devant Whitehall Place, la bibliothèque de l'université. Mais la belle n'est pas seule, visiblement éprise d'un autre. L'amoureux transi va alors se venger de façon cruelle et préméditée, avant de se lancer dans une macabre cavale septentrionale jusqu'à Veg, face aux îles Feroe. Point de départ idéal pour une nouvelle vie, sous d'autres latitudes, et une autre identité. Pourquoi pas l'Asie ?
Brillant sujet, le jeune Sébastien Bonnemason-Richard, né en 1977, est universitaire, spécialiste du roman très contemporain, et il enseigne aujourd'hui au lycée français de Phnom Penh. Il se dit influencé par des écrivains comme Toussaint ou Quignard. On pourrait ajouter d'autres lectures et références. Mais il a su s'en affranchir, pour ce livre bref et intense. L'auteur ne manque pas d'humour, ainsi qu'en témoigne l'intéressant "Autoportrait" sur lequel se clôt Je n'ai de goût qu'aux pleurs que tu me vois répandre, ni de culot. Il revendique son statut d'écrivain non conventionnel avec un "Madame Bovary, c'est moi, aussi », réjouissant et prometteur.
