Avant-critique Essai

Un amour de Rome. Pascal Bonafoux est un graphomane aussi érudit qu'éclectique, à qui l'on doit plus de soixante-dix ouvrages d'histoire de l'art depuis 1980, avec quelques thématiques récurrentes. L'autoportrait, notamment, abordé dès 1984 avec un livre qui a fait date, Les peintres et l'autoportrait (Skira). Si on l'a bien suivi dans les méandres de sa mémoire, c'est lorsqu'il travaillait à ce chantier qu'il a été pensionnaire à la Villa Médicis, occasion privilégiée de découvrir la Ville des Villes, ou du moins d'en approfondir sa connaissance. Quarante ans après, inaugurant la collection des « Guides anachroniques » chez Arléa, il revient sur le motif avec un petit livre exquis, illustré, nourri de ses lectures et construit sans « ni ordre ni suite », comme disait le président de Brosses, autre éminent visiteur de Rome.

Même si Bonafoux ne suit pas la chronologie, elle court de 753 av. J.-C., date de la fondation de Rome par Romulus (et Remus, vite éliminé), jusqu'à nos jours et le pape François, 266e souverain pontife depuis l'apôtre Pierre, dont les restes reposeraient bel et bien sous le baldaquin de la basilique Saint-Pierre. Et c'est avec Énée et les Romains que tout commence, puis vient le christianisme, qui donne à l'urbs sa dimension, unique au monde, de « Ville éternelle ». Elle n'est pas seulement une capitale millénaire avec un patrimoine à nul autre pareil et incommensurable, en dépit des invasions, pillages, destructions massives, ravages de l'urbanisme qu'elle a subis, elle est aussi le siège d'une religion, et un mini-État souverain enclavé dans l'État italien, depuis 1870.

Pascal Bonafoux joue avec les formules célèbres, comme ce « Rome n'est plus dans Rome », tiré du Sertorius de Corneille (1662), à propos du schisme de l'Église catholique et de l'exil des papes en Avignon, du XIVe siècle au début du XVe. Ou encore le « Rome ville ouverte » proclamé sous le roi Victor-Emmanuel III en 1943, la ville étant sévèrement bombardée par les alliés. On ne saurait évoquer Rome sans parler de ruines, quitte, comme Zola, à en éprouver des « courbatures ». C'est l'un des écrivains convoqués ici, avec Montaigne, Stendhal, Dickens, Chateaubriand, Suarès (qui a détesté Rome), mais il y a aussi Fellini et bien d'autres. Si Rome est « un palimpseste », Pascal Bonafoux ajoute ses pages à celles de ses devanciers, magna cum laude.

Pascal Bonafoux
Guide anachronique de Rome
Arléa
Tirage: 2 000 ex.
Prix: 17 € ; 120 p.
ISBN: 9782363083371

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