12 mai > Récit France > Benoît Vincent

Les relations de voyage racontent toujours plus que le voyage. Relation est à entendre ici comme "récit" - ce qu’on relate - mais aussi comme rapport, lien. Le voyageur est avant tout rêveur. Pour voyager, nul n’est besoin d’aller bien loin, il suffit de fermer les yeux ou de les ouvrir plus grand. En littérature, le voyage est fiction. Aussi la relation de voyage est-elle souvent le voyage d’une relation : le va-et-vient des pensées, l’errance des sentiments, l’odyssée de l’amour. Benoît Vincent a choisi Gênes. Gênes : premier port d’Italie, capitale de la Ligurie, pour la fiche technique. Le coresponsable de la revue en ligne Hors-Sol et auteur d’un premier roman au Nouvel Attila, Farigoule bastard (2015), signe chez le même éditeur une "autogéographie", initiée il y a une dizaine d’années sur Internet : GEnove. Villes épuisées. Genove, c’est Gênes en italien Genova, au pluriel (prononcez djénové avec l’accent tonique sur le premier "é", s’il vous plaît) ; plus qu’un livre ("pas un livre", prévient l’auteur), c’est une rêverie vagabonde. La version papier est remarquable, jeu de textes, encre qui s’efface, comme une encre sympathique à rebours, comme une voix qui se meurt dans le silence, photos en noir et blanc, comme autant d’indices visuels tels les clichés qui émaillent les livres de W. G. Sebald. Mais ici, c’est explicitement à Marelle de Cortázar que se réfère GEnove (sic) puisque, à l’instar du livre-jeu de l’écrivain argentin, Benoît Vincent propose au lecteur de suivre un "autre chemin" avec un ordre alternatif à celui de la pagination du livre.

Gênes, donc, ville "aux visages multiples", pentue, paradoxale (ville du Sud au Nord, entre montagne et mer), où l’on inventa le blue-jeans (la toile bleue de Gênes, dite à l’anglaise), le loto, la banque, la pellicule cinématographique, l’énergie photovoltaïque et, par l’entremise du plus célèbre de ses fils, Christophe Colomb, l’Amérique. On déambule dans l’espace et le temps, de l’époque des doges de la République du IXe siècle à 1815, à la contemporaine cité du G8 en passant par la période fasciste.

"B.", l’auteur, visite cette autre personne, "B.", qui habite Gênes et, par elle, la/se découvre. "On ne sait pas la nature de la relation, mais une chose est assurée : elle est intime." Car GEnove c’est aussi le récit de cette relation-là, s’enchevêtrant dans une cartographie singulière qui n’a d’autre boussole que le sens poétique. S. J. R.

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