Récits courts

Philippe Delerm, "New York sans New York" (Seuil) : On ne part pas

Philippe Delerm - Photo © Hermance Triay

Philippe Delerm, "New York sans New York" (Seuil) : On ne part pas

Sans jamais y être allé, Philippe Delerm célèbre New York, comme s'il y était. Tirage à 40 000 exemplaires.

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Par Jean-Claude Perrier,
Créé le 11.02.2022 à 09h30 ,
Mis à jour le 24.03.2022 à 17h42

Il existe dans notre langue une expression familière imagée, qui dit « va voir là-bas si j'y suis ». Philippe Delerm, grand gourmand de la langue française (il dirige même, chez Points, la collection « Le goût des mots ») ne nous en voudra sûrement pas de la lui attribuer. En effet, sans jamais y être allé, sans en avoir envie, et, même, en savourant le plaisir de ne pas, l'écrivain « minimaliste », comme il assume désormais de se revendiquer, se fait pour son lecteur le meilleur des guides de New York. Le plus cultivé, le plus attentif, le plus sensible à une ambiance, à « ces choses [qu'il ne fera] délicieusement pas ». Voici un livre pour l'hiver, à savourer au coin du feu, qu'on connaisse la Grosse Pomme ou non.

Toute sa fascination est partie d'une affiche des Éditions Rossignol, de Montmorillon, qui, avec ses gratte-ciel, faisait rêver le petit Philippe, sept ans, en CE2, en 1957. Plus tard, le garçon n'est pas devenu voyageur : il semble qu'il n'ait jamais pris l'avion avant 2008 et les JO de Pékin, où il était commentateur sportif invité. Cet athlète accompli n'a jamais participé non plus au fameux marathon. Mais, côté mythologie, il est incollable, passant de la pochette de Blowin' in the wind de Dylan au début des sixties, à la photo de James Dean au sortir de l'Actors Studio par Dennis Stock de l'agence Magnum, au concert culte de Simon & Garfunkel à Central Park en 1981 (500 000 spectateurs), sans oublier Woody Allen, sa clarinette et sa rencontre avec Folon en 1983, Love Story, ou les sky boys construisant le Chrysler Building, en 1929, l'année du grand krach.

Du côté des écrivains, sont convoqués, entre autres, Walt Whitman à Mannahatta, Truman Capote dans le métro, Henry Roth dans la 9e Rue, un parmi les deux millions de Juifs new-yorkais, ou encore l'Anglais Dickens, star en visite et déçue, que Delerm décrit comme « une sorte de Victor Hugo qui saurait être drôle ».

Comme toujours chez Delerm, c'est bien vu, parfois surprenant, et l'on retrouve ici ou là le style de ses livres anciens, ces recueils de textes brefs qui ont fait sa gloire. Osera-t-on dire qu'on aimerait qu'il renoue avec ce genre vagabond, celui d'Il avait plu tout le dimanche (Mercure de France, 1998), ou de l'inépuisable Première gorgée de bière et autres plaisirs minuscules ?

Philippe Delerm
New York sans New York
Seuil
Tirage: 40 000 ex.
Prix: 17 € ; 208 p.
ISBN: 9782021342901

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