Un éternel Kippour. « La guerre pue, une odeur épouvantable, un parfum mêlé de tant d'effluves morbides mais si pestilentiels qu'ils sont indescriptibles. Sans son odeur la guerre n'est plus la guerre. Elle n'est que paysages après la bataille, héroïsme avec panache. Il faut une certaine force de caractère et beaucoup d'abnégation à un écrivain pour se lancer dans l'écriture d'un roman qui va puer », écrit Pierre Assouline dans L'annonce. Il faut croire qu'il n'en manque pas car c'est ce qu'il vient de faire avec ce livre dont on croit deviner combien il est important pour lui, sorte de « rosebud » qui vient éclairer d'une lumière grave et bouleversante toute sa trajectoire. Le romancier ne s'y cache qu'à peine sous les traits de son narrateur, Raphaël, un jeune Français de confession juive, bon fils, bon élève, étudiant l'histoire et le monde arabe et se destinant au journalisme. Raphaël a 20 ans lorsque se produit l'événement qui va bouleverser durablement son existence, le déclenchement, le 6 octobre 1973, de la guerre du Kippour. Notre jeune homme, avec quelques camarades issus comme lui de mouvements étudiants juifs, va se porter volontaire pour venir en aide à l'État hébreu. Bercé par des récits historiques, il va se retrouver dans un village éloigné du théâtre des opérations (loin aussi de son chanteur favori Leonard Cohen venu chanter sur le front pour les soldats de Tsahal), où il se voit confier la tâche délicate de veiller à la bonne santé et à la cohabitation de milliers de dindons... Malgré tout, la guerre est là, sa rumeur, sa ferveur, son paradoxal champ des possibles. Et un jour, autour d'une partie d'échecs, Raphaël va faire la connaissance d'Esther. Elle a son âge et s'acquitte de ses obligations militaires envers son pays en se chargeant de la plus terrible des missions : annoncer aux familles la mort au combat de leur fils, leur père ou leur frère. Les deux jeunes gens vont nouer un amour aussi poignant qu'impossible. Jusqu'à ce jour, un demi-siècle plus tard, le 7 octobre 2023...

L'annonce peut se lire de bien des façons et c'est ce qui en fait toute la richesse : comme un grand mélo à la Douglas Sirk, comme un conte moral et hassidique, comme une réflexion douloureuse sur les invariants de l'Histoire, comme l'expression d'une très vieille colère. De toute façon, un homme, un écrivain, s'y montre au plus près de sa vérité. C'est Pierre Assouline.