19 octobre > Récit illustré France > Lamia Ziadé

Lamia Ziadé a commencé à se pencher sur l’histoire de son pays natal en 2010 dans Bye bye Babylone. Beyrouth 1975-1979 (Denoël Graphic), un récit autobiographique dessiné où elle racontait son enfance dans un Liban en guerre. Il y a deux ans, O nuit, ô mes yeux : Le Caire/Beyrouth/Damas/Jérusalem (P.O.L) élargissait le cadre avec une histoire subjective du Proche-Orient, du début du XXe siècle à la fin des années 1970, à travers les destins des divas - Oum Kalthoum, Asmahan, Fayrouz - et d’autres voix moins célèbres. L’artiste franco-libanaise, parisienne depuis ses 18 ans, célébrait en mots et en images un Moyen-Orient cosmopolite et effervescent, peu connu et surtout disparu. La nostalgie colorée portée par le trait un peu naïf et pop de l’illustratrice a viré à la "très grande mélancolie" dans ce récit dessiné à la tonalité plus tragique.

Porté par une narration à la deuxième personne du singulier, cet album peuplé de morts fait place au conflit israélo-palestinien. Un voyage dans le sud de ce Liban multiconfessionnel, "un petit pays où les vivants et les martyrs vivent ensemble", sur les traces visibles des traumatismes, ceux de l’offensive israélienne de l’été 2006, est aussi l’occasion de remonter plus loin dans le temps, jusqu’au schisme qui a scindé la communauté musulmane…

Sur la place des Martyrs, à Beyrouth, où ont été pendus par les autorités ottomanes en 1915-1916 des dizaines de nationalistes libanais accusés d’avoir voulu fonder un gouvernement arabe autonome, une statue commémorative criblée de balles est toujours debout. Et c’est la destruction du Rivoli, le cinéma situé sur cette place, rasé à la fin de la guerre, que Lamia Ziadé peint, sans couleur et sans légende, en clôture de son dramatique récit. Plus avant, elle notait avec tristesse : "Le temps des astres est fini." Elle qui, au Caire, venait de constater que personne ne semblait savoir où était le tombeau de Nasser et que celui d’Oum Kalthoum, dont des millions d’Arabes avaient pleuré la mort en 1975, était à l’abandon. Véronique Rossignol

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