15 MAI - PREMIER ROMAN France

Charles Gancel- Photo JEAN-LUC PAILLÉ/BUCHET-

Le "héros" et narrateur imaginé par Charles Gancel est un personnage follement antipathique. Un fonctionnaire maniaque, snob et cuistre, qui se présente ainsi : "J'épouse l'harmonie des choses constantes [...], tout ce qui fait que la vie [...] s'accomplit avec le taktus [en grec dans le texte] d'un contrapunctus de Kapellmeister." Voici notre précieux ridicule embarqué pour une plage corse sur un bateau à touristes, le Popeye. Ce faisant, il ne peut pas ne pas songer à ce que Strabon, géographe grec du Ier siècle de notre ère, disait des autochtones : des voyous paresseux dont on ne peut faire que des esclaves fainéants. On lui souhaite de ne croiser aucun de ces autonomistes encagoulés qui le fascinent tant.

Mais notre homme, auteur refusé partout d'un petit roman libertin finement intitulé Delphine ou la disparition de la lèvre inférieure, a aussi d'autres distractions : érotomane polymorphe, il aime bien les Lolitas. Et justement, sur le Popeye, il y en a une, corse, avec ses parents bien typés. Elle ne peut aller folâtrer que sur la même plage, où notre vieux moche va avoir licence de jouer à loisir les voyeurs, voire les séducteurs. Mais une attention appuyée et quelques biscuits suffiront-ils à appâter l'adolescente ? On se doute que non, et que, pour pervers Pépère, ce sera bernique et déconfiture. Mais quelle journée il aura vécue, à marquer d'une croix blanche dans sa vie de cloporte qui se fait sans cesse du cinéma! Ainsi, lorsqu'il avait entendu Joe le taxi, susurrée par Vanessa Paradis, s'était-il persuadé que la chanson lui était destinée. Raide amoureux, il avait soumis à un siège en règle son idole, sa maison de disques, et tenté de s'introduire de force dans les coulisses de ses concerts. En vain. Vanessa, amatrice de beautés plus grunge et américaines, lui a préféré d'abord Lenny Kravitz, puis Johnny Depp. Tout comme la Lolita ne restera pas insensible aux tabelles de chocolat de quelque bellâtre des bacs à sable...

Charles Gancel, après deux recueils de nouvelles et une étude sur les protest songs américaines dans les sixties, signe, avec Scène de plage, un premier roman décalé, brillant et cruel, en forme de sotie. Il semble que l'auteur soit bien plus rock'n'roll que son personnage, lequel qualifie les Rolling Stones de "groupe yé-yé d'outre-Manche » ! Qu'on ne le plaigne pas de sa mésaventure : impavide comme seuls savent l'être les imbéciles, il se remettra en chasse à la première proie féminine qui passera à sa portée. Par exemple, l'hôtesse de l'air du Bastia-Paris vol AF 4265.

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