Economie du livre

Réédition, poche, crise du papier : comprendre l'inflation des prix du livre

Olivier Dion

Réédition, poche, crise du papier : comprendre l'inflation des prix du livre

L'augmentation du prix du papier, qui se chiffre à environ 85% en 2022, préoccupe les éditeurs qui n'ont plus d'autres choix que de le répercuter sur le prix final du livre. 

Par Pierre Georges,
avec AFP Créé le 11.01.2023 à 16h00

Le prix d'un livre chute quand il paraît en édition de poche. Mais parfois arrive l'inverse : une réédition le fait bondir, et cette inflation n'est pas toujours facile à comprendre.

C'est le cas par exemple d'un livre de Jean Dutourd, L'Académie par un des 40, aux éditions Cherche-Midi. L'édition de 2009 de ce bref essai valait 2,90 euros, un prix exceptionnellement bas. Pour l'édition 2023 qui paraît jeudi 12 janvier, il est passé à 15 euros, plus du quintuple. « Il est plus cher, oui : après tant d'années, le prix du papier a explosé et on ne peut pas maintenir le prix d'origine, évidemment », justifie le fondateur de cette maison d'édition, Philippe Héraclès, interrogé par l'AFP.

L'auteur n'y est pour rien, puisqu'il est mort en 2011. Et l'éditeur d'expliquer que cet ouvrage, publié anonymement à l'époque, s'est enrichi d'une préface par un autre membre de l'Académie française, Erik Orsenna, et de dessins humoristiques signés Philippe Dumas.

« Chaque éditeur fait un peu comme il l'entend. Mais un prix trop élevé peut être sanctionné par le libraire, qui va dire: je ne prends pas ce titre. Et à la fin, surtout, c'est le public qui arbitre », explique à l'AFP le délégué général du Syndicat de la librairie française, Guillaume Husson.

Coût du papier

Dans le choix des prix par les éditeurs, l'inflation du coût du papier est actuellement une grande préoccupation. « Depuis juillet 2021, les prix du papier, qui représente environ 4% à 5% du prix final d'un livre, ont augmenté de 85% », signalait dimanche au Figaro le président du Syndicat national de l'édition, Vincent Montagne. Selon ses estimations, « en ce début 2023, les prix vont augmenter de 4% à 10% ».

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Les variations peuvent être beaucoup plus importantes que cela dans le cas d'éditions "revues" ou "augmentées". Exemple avec l'anthropologue et philosophe René Girard (1923-2015), dont Grasset a entrepris de publier tous les titres importants, avec de nouvelles préfaces.

Achever Clausewitz, livre d'entretiens de 2007, valait à l'origine 22 euros aux éditions Carnets Nord. En poche, chez Champs Flammarion en 2011, il est descendu à 10,20 euros, mais est épuisé. Il est reparu en grand format en novembre chez Grasset à 25 euros, illustrant combien la hausse des prix des livres a été raisonnable en une quinzaine d'années.

Deux prix, deux éditions

Dans certains cas, deux prix cohabitent, pour deux éditions différentes. La Conversion de l'art de René Girard doit reparaître en mars de la même manière, en grand format chez Grasset, à 20 euros. Là, en revanche, il sera en concurrence avec une édition de poche chez Champs Flammarion à 9 euros toujours disponible chez les libraires.

Chez Gallimard, le livre de souvenirs de David McNeil sur son père, Marc Chagall, Quelques pas dans les pas d'un ange a été réédité en novembre avec des « peintures et dessins méconnus » de l'artiste. S'il vaut 25 euros dans la fameuse Collection blanche, ses illustrations en couleur en font un tout autre objet que le livre de poche chez Folio, à 8,10 euros.

« Les lecteurs font la différence », souligne M. Husson. « Et il y a peu de titres maintenus en grand format alors qu'ils ont une édition de poche. Ce sont des livres d'une certaine importance ».

Ce porte-parole des libraires « interroge beaucoup en ce moment » ses collègues sur la perception des prix par les clients. « Les gens ont tendance à considérer qu'un livre est toujours trop cher. Mais peu de lecteurs se plaignent des augmentations, sauf un, de temps en temps, qui est scandalisé », rapporte-t-il.

 

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