Rentrée littéraire 2022

Rentrée essais et documents : un monde en crise(s)

Drapeau Ukraine - Photo Olivier Dion

Rentrée essais et documents : un monde en crise(s)

La guerre en Ukraine bouleverse les programmes de rentrée des éditeurs. lls explorent aussi les affaires criminelles, reviennent sur les attentats de 2015, continuent de donner corps aux réflexions écologistes et féministes et de s'ouvrir aux thématiques LGBT. 

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Par Cécilia Lacour,
Créé le 08.07.2022 à 14h40 ,
Mis à jour le 12.07.2022 à 13h05

Cette année encore, le cru de la rentrée essais et documents se fait l'écho d'un monde traversé de multiples secousses : de la guerre revenue au cœur de l'Europe, des blessures subies par la planète, des inégalités et violences subies par les femmes dans notre société patriarcale. Poussées par l'actualité et/ou durablement enracinées dans les catalogues, ces thèmes nourrissent des pans entiers des programmes des éditeurs, qui annonçaient, au 31 mai selon Electre Data Services, 1 444  nouveaux titres à paraître entre août et octobre (- 12 % à un an d'intervalle). La guerre en Ukraine, déclenchée le 24 février par Vladimir Poutine, a bouleversé les programmes. Après un premier envol de titres dès le printemps, les éditeurs continuent de documenter le conflit. Dans Bouleversements (Stock), François Hollande expose les conséquences de la guerre en Ukraine. L'Aube programme cinq nouveautés sur le conflit : Je vous écris de Moscou, dans lequel Alexandre S. raconte sa vie quotidienne en Russie tout en donnant sa vision de la guerre, D'une guerre à l'autre de Chloé Ridel, Ukraine : une renaissance nationale fusillée de Michel Foucher, Voyage sous les bombes d'Olivier Weber et Poutine, la logique de la force de Jean-François Bouthors. Jean-François Colosimo décrypte La crucifixion de l'Ukraine (Albin Michel). Plusieurs chercheurs analysent L'invasion de l'Ukraine (La Dispute). Patrick Pascal livre son Journal d'Ukraine (VA éditions). Jacques Baud décrypte les raisons qui ont poussé Vladimir Poutine à envahir l'Ukraine dans Poutine, l'opération Z (Max Milo). Jamais frères ?, s'interroge la spécialiste de la Russie et des sociétés postsoviétiques Anna Lebedev (Le Seuil). Les professionnels analysent l'histoire et la géopolitique des deux pays. Dans Vlad le destructeur (L'Élan), Michel Juffé et Vincent Simon retracent les relations conflictuelles entre l'Ukraine et la Russie de 1648 à nos jours. Atlande propose L'Ukraine : atlas géopolitique d'une idée européenne. Le directeur de l’Institut de recherches sur l’Ukraine à l'université Harvard, Serhii Plokhy dresse l'histoire de l'Ukraine "depuis Hérodote jusqu’à Zelensky" dans Aux portes de l'Europe. Histoire de l'Ukraine, dans une traduction inédite de Jacques Dalarun (Gallimard). Lukas Aubin explique la Géopolitique de la Russie (La Découverte). Iegor Gran livre ses réflexions sur la propagande russe dans Z comme zombie (P.O.L).

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Vesoul, novembre 2020, procès de Jonathan Daval, jugé pour le meurtre de sa femme Alexia.- Photo SEBASTIEN BOZON © AFP

La planète en danger

Les éditeurs continuent parallèlement d'alimenter les réflexions environnementales. Calmann-Lévy publie Le livre du climat, sous la direction de Greta Thunberg. David Nelles et Christian Serrer décryptent les découvertes scientifiques sur les causes et les effets du changement climatique dans Climatographie (La Plage). Jeremy Rifkin dessine des manières de renouer des liens avec la nature dans L'âge de la résilience (Les liens qui libèrent). Jean-Philippe Decka s'intéresse au Courage de renoncer : le difficile chemin des élites vers un monde durable (Payot). Bérengère Weiss étudie l'impact de l'industrie de la mode sur l'environnement et les modes de vie dans Quand la planète n'aura plus rien à se mettre (Delachaux & Niestlé). Nathanaël Wallenhorst décrypte les récits politiques liés aux échecs de l'écologie et de la démocratie dans Qui sauvera la planète : les climatosceptiques, les technophiles ou les bisounours ? (Actes Sud).

Avec 100 cartes pour sauver la planète, Glénat poursuit l'objectif d'éveiller les consciences à l'importance de préserver l'équilibre fragile de la Terre. Sylvestre Huet décrypte le rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat dans Le Giec urgence climat (Tallandier). Chez Wildproject, cent auteurs du Sud présentent des initiatives transformatrices dans Plurivers et Kinji Imanishi propose de glisser Vers une science plus naturelle. Philippe-Loïc Jacob alerte sur la raréfaction des ressources dans Inventons un monde circulaire (Cherche Midi).

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L'herbe et le bitume- Photo OLIVIER DION

Paul Cary et Jacques Rodriguez se prononcent Pour une sociologie enfin écologique (Erès). Olivier Barancy livre un Plaidoyer contre l'urbanisme hors-sol et pour une architecture raisonnée (Agone). Rêvons d'une autre ville ! (Parenthèses), intime Marc Held. Cain Blythe et Paul Jepson proposent de Réensauvager la nature pour sauver la planète (Quanto). Chez Actes Sud, Philippe Bihouix, Sophie Jeantet et Clémence de Selva livrent un plaidoyer pour une régulation de l'étalement urbain dans La ville stationnaire et Clara Breteau enquête sur les habitats écologiques dans Les vies autonomes, une enquête poétique. Le nucléaire n'est pas bon pour le climat (Le Seuil), assure Hervé Kempf. Dans Pas de forêt sans champignons (Actes Sud), Hubert Voiry montre comment la symbiose entre les arbres et les champignons assure la pérennité des systèmes forestiers. Avec l'association Humanité et biodiversité, François Lasserre dresse un Inventaire des petites bêtes des forêts (Hoëbeke) et rappelle l'importance de préserver l'écosystème. Une réindustrialisation écologique est-elle possible ? (L'Aube), s'interroge Pierre Veltz. La maison coédite aussi avec la Fondation Jean-Jaurès L'hydrogène suffira-t-elle à décarboner l'économie ? de Benoît Calatayud. Patrick Scheyder, Nicolas Escach et Pierre Gilbert se prononcent Pour une écologie culturelle (Le Pommier). Charline Schmerber propose un Petit guide de survie pour éco-anxieux (Philippe Rey). Placé sous la direction de Maud Simonnot, le numéro 654 de La nouvelle revue française (Gallimard) consacre un dossier à la nature avec des textes de Nathacha Appanah et Richard Powers, Erri de Luca, Fabienne Raphoz ou encore Erik Orsenna. 

Au-delà, quelques programmes s'intéressent à l'anthropocène, qui voit l'homme comme principale force de changement sur Terre. Plusieurs contributeurs évaluent les impacts de l'anthropocène sur la santé physique et mentale dans Santé planétaire (Rue de l'Échiquier). Isabelle Michallet propose d'encadrer les questions environnementales par le droit dans Faire face à l'anthropocène (Éditions Deux-Cent-Cinq/École urbaine de Lyon). Au Seuil, Alessandro Pignocchi et Philippe Descola échangent sur l'Anthropocène : ethnographies des mondes à venir et Christophe Bonneuil et Jean-Baptiste Fressoz publient Nous avons mangé la Terre : l'évènement anthropocène.

Les combats des femmes

De même les questions féministes continuent d'irriguer durablement les catalogues. Daisy d'Errata, Karl Zéro et une dizaine de personnalités commentent un siècle de publicités sexistes dans Plus jamais ça ! (Télémaque). Dominique Labarrière s'intéresse aux Mythes et représentations des femmes (Pygmalion). Non, le masculin ne l'emporte pas sur le féminin !, s'exclame Éliane Viennot en dressant une « petite histoire des résistances de la langue française » dans le catalogue de Ixe. La doctorante en sciences du langage Julie Abbou explore les rapports entre féminisme et sémantique dans Tenir sa langue (Les Pérégrines). Ils ne savaient pas... : pourquoi la psy a négligé les violences sexuelles (Payot), tente d'expliquer Bruno Clavier. Dans le catalogue de « Que sais-je ? »,  Charlotte Buisson et Jeanne Wetzels éclairent les mécanismes et les enjeux des Violences sexistes ou sexuelles. Larousse retranscrit les entretiens du podcast Les femmes sages pour illustrer la manière dont la santé des femmes peut être pensée de manière globale.

Marie Kock réhabilite la figure de la Vieille fille (La Découverte) tandis que Murielle Joudet se concentre sur La seconde femme : ce que les actrices font à la vieillesse (Premier Parallèle). Élodie Andriot réunit 52 Patronnes pour retracer leur parcours (Albin Michel). Pourquoi paye-t-on les femmes moins que les hommes ?, s'interrogent E. Tabbagh et Lionel Melka (Marabout). Charlotte Puiseux part de son expérience pour décrypter et dénoncer les discriminations que subissent les femmes handicapées dans De chair et de fer (La Découverte). Julien Marsay enquête sur l'invisibilisation des écrivaines dans La revanche des autrices (Payot).

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Les colleuses d'affiches, Paris 2020.- Photo OLIVIER DION

Zoé Mendelson et Maria Conejo proposent Pussypedia : le guide de la chatte (Dalva). L'autrice et illustratrice Ovidie propose une « ego-histoire du féminisme pro-sexe » avec Pussy Power (La Découverte). Irène Théry réfléchit sur la notion de consentement dans l'ère post-#MeToo avec Moi aussi : six leçons sur le consentement (Le Seuil). Alain Tarrius documente les Trafics de femmes (L'Aube) alors que près de 47 000 femmes ont, entre 2007 et 2018, quitté les Balkans pour alimenter le marché de la prostitution en Espagne. La maison publie aussi Vers l'égalité réelle, dans lequel Mahaut Chaudouët-Delmas dessine les contours d'un programme féministe.

Pour On ne va pas y aller avec des fleurs (Hors d'Atteinte), Alexandra Frénod et Caroline Guibet Lafaye interrogent des femmes qui ont eu recours à la violence pour faire avancer leurs combats politiques.

Enfin, dans le sillage de la production féministe, certains éditeurs commencent à s'intéresser aux personnes LGBTQIA+. Élue maire de Tilloy-lez-Marchiennes (Nord) en 2020, Marie Cau retrace son parcours personnel et politique en tant que femme trans dans Madame le maire : liberté, égalité, transidentité (Fayard).

Aline Alzetta-Tatone donne à voir la diversité des parcours des personnes trans dans Transidentité : les clés pour comprendre (In Press). Meryl Bie raconte sa transition dans Transgressions (Michel Lafon). Sofiane Aissaoui et Valentin Pasquier dévoilent « le vrai visage des queens et des kings » dans Drag (La Musardine). Entre théorie et fiction, Joan Nestle défend la mémoire lesbienne et féministe dans son recueil Fem (Hystériques & AssociéEs). Mathilde Ramadier examine toutes les dimensions de la bisexualité féminine dans Vivre fluide : quand les femmes s'émancipent de l'hétérosexualité (Faubourg). Dans Polyamoureuse (Larousse), Lucile Bellan raconte son expérience et dénonce un certain nombre d'idées reçues. Et Baptiste Beaulieu livre un manifeste contre l'homophobie avec Tous les silences ne font pas le même bruit (Fayard).

L'intégralité de notre dossier rentrée littéraire est à retrouver dans LH Spécial rentrée littéraire 2022 disponible depuis le 30 juin (sur notre boutique pour les non abonnés). 

Dans les couloirs de la justice

Après une première envolée de titres en mars, les faits divers s'invitent au cœur de la rentrée. Dans L'affaire Alexia Daval (Michel Lafon), Laurent Briot et Christophe Dubois retracent le meurtre de la jeune femme par son compagnon Jonathan en 2017. Chez Ring, Maxence Fermine s'intéresse à Nordahl (Lelandais), reconnu coupable en début d'année d'avoir enlevé, séquestré et tué la petite Maëlys de Araujo. Avocat de la partie civile dans l'affaire Maëlys ou encore pour les attentats de Nice, Fabien Rajon publie d'ailleurs Au nom des victimes (Archipel), dans lequel il décrypte le processus de la justice pénale. Georges Fenech et Sylvie Noachovitch reviennent sur l'affaire Raddad, du nom d'un jardinier condamné en 1994 pour le meurtre de Ghislaine Marchal, dans Omar Raddad, la vérité en marche (Rocher). En 2018, Krestina, Angelina et Maria Katchatourian assassinent leur père après des années de sévices sexuels. Devenues un symbole des violences domestiques et en l'attente de leur procès en Russie, elles livrent leur témoignage dans Les trois sœurs (Michel Lafon). Condamné à perpétuité en 1997 pour le meurtre de quatre membres d'une même famille, Dany Leprince a passé dix-sept années en prison sans que sa culpabilité ne puisse être démontrée. Clamant toujours son innocence, il publie Ils ont volé ma vie (Flammarion), coécrit avec le journaliste Bernard Nicolas. Enfin, Perrin opte pour une approche historique des Grandes affaires criminelles : du Moyen-Âge à nos jours de Jean-Marc Berlière.

Du Bataclan à la Promenade des Anglais

13 h 17, le 8 septembre 2021. Six ans après les attaques terroristes, le procès-fleuve des attentats du 13 novembre 2015 s'ouvre devant la cour d'assises spéciale de Paris. Au cours de l'instruction, une victime rescapée du Bataclan, un journaliste et un avocat échangent leurs ressentis et leurs réflexions par le biais de notes vocales.

À travers ce dialogue informel, restitué dans Peut-on encore se parler ? (L'Aube), ils évoquent le déroulement du procès mais aussi les questions de société qu'il soulève. De son côté P.O.L. réunit dans V13 les chroniques hebdomadaires qu'a publiées Emmanuel Carrère dans quatre journaux européens au cours du procès. Aux Échappés, Sylvie Caster livre le Récit d'un procès et cosigne 13 novembre 2015 : le procès avec ses confrères et consœurs journalistes et dessinateurs de Charlie Hebdo Lorraine Renaud, Corentin Rouge, Emmanuel Prost et Benoît Springer.

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