Le département de littérature étrangère reste toujours aussi stratégique pour les maisons littéraires et ce ne sont pas les derniers mouvements d’éditeurs qui le démentiront. Le tandem Jean Mattern-Joachim Schnerf a quitté la collection "Du monde entier" (Gallimard) pour rejoindre Grasset en mai, tandis que Katharina Loix Van Hooff est arrivée chez Gallimard. Stock a choisi Raphaëlle Liebaert, remplacée chez Autrement par une ancienne de L’Olivier, Emilie Lassus, pour reprendre "La cosmopolite", alors que sa précédente directrice éditoriale, Emmanuelle Heurtebize, est en train de lancer un département littérature chez Delcourt. La directrice littéraire Sarah Hirsch apporte un nouveau souffle à Nil, et Sabrina Arab développe HarperCollins France.

20 % d’Américains

Ces changements n’influeront pas directement sur les programmes de l’hiver 2017, préparée depuis plus d’un an. La prochaine cuvée réunit entre janvier et février 180 romans et nouvelles traduits contre 168 en 2016 (+ 7,1 %). Révélations ou grands noms, il y a un engouement pour l’ailleurs, une façon de voyager en traversant les frontières culturelles et linguistiques. Si les écrivains américains restent prisés avec le retour de Lauren Groff ou Poppy Z. Brite, ils ne représentent "que" 20 % de cette rentrée étrangère, qui présente des textes venus du monde entier : Russie, Australie, Chili, Kenya, Argentine, Pays-Bas, Chine, Afrique du Sud, Italie, Canada, Corée, Brésil, Espagne, Irlande, Roumanie, Turquie, Israël, Allemagne, Mexique, Inde, Islande, Pologne, Finlande, Irak, Libye, voire Trinité-et-Tobago avec Earl Lovelace.

Diversité géographique mais aussi de lectorat avec une offre allant de la fresque grand public, Martha Batalha dans le Brésil des années 1950, à des textes plus littéraires (Javier Marías, Jaume Cabré, Rosa Montero, Zeruya Shalev), des découvertes mais aussi des rendez-vous attendus comme le retour de l’Islandais qui avait porté la rentrée 2015 de Métailié, Eiríkur Orn Norddahl, le troisième volume de la saga d’Elena Ferrante ou la suite de Shantaram de Gregory David Roberts. Peu de grands noms écrasent la production de cette saison, qui reste ouverte. Confiants, les éditeurs programment une vingtaine de premiers romans. Dans Un impossible conte de fée, Han Yu-joo (Decrescenzo), la traductrice coréenne de Michael Ondaatje, tente de sauver une enfant maltraitée. Un même élan anime le héros de Julia Montejo dans Une vie à t’écrire (Les Escales). Un clandestin essaye aussi de s’en sortir, grâce à la boxe et la librairie, chez la Mexicaine Aura Xilonen (Liana Levi). Tim Murphy - L’immeuble Christodora (Plon) - aborde les années sida à travers plusieurs New-Yorkais. Auront-ils Le bel avenir promis par Robin Kirman (Albin Michel) ?

Pimenter le réel

Les Américains continuent à explorer leur société fissurée, comme le rappelle Le grand combat (des Noirs) de Ta-Nehisi Coates (Autrement), déjà remarqué avec Une colère noire. Des failles intimes reflètent un pays souffrant, estime Michael Collins dans Des souvenirs américains (Bourgois) ou Melanie Wallace dans Passer l’hiver (Grasset). L’Histoire inspire toujours autant les romanciers. Ainsi, le récit poétique de Susana Romano SuedPour mémoire (Argentine 1976-1983) (Des Femmes/Antoinette Fouque) dénonce le sort de toutes celles qui ont été internées sous la dictature. La catastrophe de Bhopal renaît sous la plume d’Amulya Malladi (Mercure de France). La fin de l’URSS marque les destins des héros d’Alexeï Nikitine (Noir sur blanc). Un inédit de l’auteur d’A l’ouest rien de nouveau, Erich Maria Remarque (Stock), nous offre un ultime regard de l’écrivain sur la Shoah et l’exil. L’exofiction ressuscite Edgar Allan Poe (Cullen Lynn chez Galaade), Eva Braun (Jane Thynne, Lattès), Nietzsche (Svetislav Basara, Noir sur blanc) et John Lennon (Mo Daviau aux Presses de la Cité). L’actualité perce dans la fiction avec Le dernier arrivé (Marco Balzano, Philippe Rey) sondant la thématique des réfugiés ; ou dans le roman de Sunil Yapa (Rivages) sur l’altermondialisation. Derniers refuges, la famille, l’amour, la nature et l’écriture continuent d’alimenter les promesses littéraires. L’avenir semble incertain, alors il reste au moins une potion magique : La petite librairie des gens heureux de Veronica Henry (City). K. E.

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