Cure de repos. Qui a écrit : « Le repos est une affaire sérieuse, dont la qualité conditionne notre existence » ? Un neurophysiologiste, un thérapeute zen, un paresseux ? Non, c'est Jacques Chirac en 1992 dans sa préface à Éloge de la sieste de Bruno Comby (F.-X. de Guibert). L'ancien président de la République ne passait pourtant pas pour un flemmard, pas plus qu'Emmanuel Macron, qui ne dort que quelques heures par nuit. Pourtant Sébastien Spitzer l'explique dans sa Petite philosophie de la sieste : « Le corps a du métier, c'est le meilleur des médecins. Et le temps d'une sieste il peut faire des miracles. » Et le premier consiste à retrouver le fil de la journée. À l'approche de l'été, cette Petite philosophie de la sieste a beaucoup de vertus, dont celle de nous déculpabiliser du farniente. Car on peut faire la sieste sans être paresseux, mais on ne peut être paresseux sans faire de sieste. Le distinguo est essentiel. La sieste répare, elle nous réhumanise. « La sieste est le plus sûr moyen de se rendre à l'essentiel », assure Sébastien Spitzer. Auteur d'un premier roman remarqué, Ces rêves qu'on piétine (Éditions de l'Observatoire, 2017, Prix Stanislas, Prix Emmanuel-Roblès, Prix Méditerranée des lycéens), d'un document, Dans les flammes de Notre-Dame (Albin Michel, 2019), d'un roman historique sur le fils de Karl Marx, Le cœur battant du monde (Albin Michel, 2019, finaliste du prix Goncourt des lycéens), vendu à plus de 15 000 exemplaires GFK, et d'un Dictionnaire amoureux de Victor Hugo (Plon, 2023), Sébastien Spitzer a des curiosités multiples. C'est pourquoi il cultive cet art du lâcher-prise, cet art du rien qui est bien plus qu'un acte biologique, une posture face au monde.
Allons même plus loin : il y aurait dans la sieste comme une forme de résistance douce, une opposition molle face à l'optimisation constante de soi. Étymologiquement, la sieste, la sexta hora, la sixième heure, désigne le repos pris après le repas de midi. Elle met en place un autre emploi du temps, une célébration de l'inutile. La sieste ne sert à rien, c'est ce qui fait sa beauté. Elle n'a pas besoin de justification. C'est un luxe immobile, un plaisir pur, proche de l'esthétique japonaise du wabi-sabi, l'appréciation de l'éphémère et de l'imparfait, ou du wu wei, le « non-agir » des taoïstes. La sieste est un moment d'écoute de soi. Elle invite à ralentir, à se réconcilier avec ses rythmes naturels. C'est une manière de sentir plutôt que de penser, de se glisser dans un état liminal entre veille et sommeil, entre être et non-être. Il n'y a aucune sagesse dans la sieste, si ce n'est cette sagesse silencieuse du corps dont parlait Michel Serres, c'est pourquoi elle échappe à toute philosophie, sauf si celle-ci s'affiche comme petite. À ce propos, reprenant la comparaison de Romain Gary dans La promesse de l'aube, Sébastien Spitzer écrit : « La sagesse est une camomille, elle nous embaume vivant. » Alors que la sieste nous requinque. Elle provoque à chaque fois un nouveau départ, après le réveil. Alors, siestons !
Petite philosophie de la sieste
La Martinière
Tirage: 7 000 ex.
Prix: 14,90 € ; 160 p.
ISBN: 9791040121954