Signes distinctifs

"On essaie de susciter le sourire. C’est un peu une marque de fabrique." Florian Lafani, Michel Lafon - Photo DR

Signes distinctifs

On reconnaît généralement un feel-good book à certains indices qui ne trompent pas : des titres à tiroirs, des couvertures acidulées, décalées ou ornées de chats trop mignons.

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Par Faustine Vincent,
avec Créé le 25.03.2016 à 12h30

Puisque aucun rayon dédié n’existe pour les feel-good books, les éditeurs jouent sur les codes visuels permettant de les identifier facilement. Un soin particulier est apporté à la couverture, chaleureuse, colorée, décalée, et au titre, souvent à rallonge. "Ce sont des éléments capitaux. On essaie de susciter le sourire. C’est un peu une marque de fabrique", résume Florian Lafani, éditeur chez Michel Lafon.

Les traductions héritent souvent d’un nouveau titre et d’une nouvelle couverture pour coller à cet esprit. Dans son édition originale, Levieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire avait une couverture "vieillotte et moche, juge Béatrice Duval, directrice générale de Denoël mais, à l’époque, éditrice aux Presses de la Cité. C’était des tons ternes, avec une silhouette de vieux marchant dans la ville." Elle a donc apporté "de la fraîcheur avec des couleurs vives, qui donnent une touche d’humour", et introduit un décalage avec le "visage sévère du vieux portant un costume rose". Elle a aussi bataillé pour remplacer "centenaire" (qui figurait dans le titre original) par "vieux", un terme familier qui crée une "proximité" avec le lecteur. Quand il a vu le résultat, l’auteur, Jonas Jonasson, était "hystérique", raconte-t-elle. "Il a insulté son agent et demandé qui était cet éditeur qui n’avait même pas lu son livre puisqu’il représentait une scène qui n’était pas dedans." Au final, la couverture a si bien marché qu’elle a été reprise dans dix pays.

La couverture originale du Vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire était dans des tons tristes avec un graphisme vieillot. La française apporte un décalage avec un personnage au visage sévère portant un costume rose.

Béatrice Duval a réitéré chez Denoël avec La bibliothèque des cœurs cabossés de Katarina Bivald, en ajoutant en couverture un chat qui n’existe pas dans le livre. Mais "quand on met des chats en couverture, ça se vend". L’animal est d’ailleurs la vedette des couvertures des best-sellers de Gilles Legardinier édités chez Fleuve éditions.

C’est de nouveau un animal qui figure en couverture du Théorème du homard de Graeme Simsion (Nil). Mais à son passage en poche, le titre comme la couverture ont subi un traitement spécial : le roman est devenu Comment trouver la femme idéale - le sous-titre de la version grand format -, tandis que le homard a atterri sur le porte-bagages d’un vélo à côté d’un bouquet de roses. "Je change rarement les titres en poche, mais là c’était plus drôle comme ça", argumente Carine Fannius.

"Parfois on se plante"

"On se creuse vraiment la tête pour trouver la couverture qui convient, affirme Marie Misandeau, au Cherche Midi. On s’inspire des Anglo-Saxons, dont les couvertures sont très décomplexées, alors qu’en France elles sont souvent austères." Mais elle l’admet : "Parfois on se plante." Elle raconte ainsi avoir tapé à côté en titrant Grand amour un roman de Stéphane Carlier. "C’était une comédie feel-good, mais la couverture (le haut du visage d’une femme sur fond rose bonbon) était trop romantique, cela n’a pas séduit les lecteurs, alors que le livre est très drôle".

Pour essayer de limiter les risques, les éditions Charleston - le label sentimental de Leduc.s - plébiscitent les tests. Elles s’en remettent carrément à leur groupe de dix lectrices triées sur le volet, à qui elles donnent le choix entre différentes couvertures. "Quand ce sont des comédies, on opte pour des couleurs acidulées, et pour les romans plus historiques, on joue le côté mystérieux et féminin", détaille l’éditrice, Karine Bailly de Robien.

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