Se souvenir du paradis blanc. Illustrateur, graphiste, écrivain, poète, cinéaste, explorateur, alpiniste, conférencier, Paul Gayet-Tancrède, plus connu sous le nom de Samivel (1907-1992) mit tous ses talents au service d'une cause quasi unique : la montagne, et la nécessité de la défendre contre les attaques que lui font subir depuis près d'un siècle la marchandisation et les outrages du tourisme. Il était de la race et de la génération des Frison-Roche, des Ella Maillart (qui fut son amie) ou des Tazieff. Ce fils de bonne famille, né à Paris, connut très jeune une sorte de renaissance en gravissant ses premiers cols alpins. Chaque ascension sera pour lui une nouvelle épiphanie. Il n'aura de cesse de transmettre son ivresse des sommets par la plume, le pinceau ou la caméra. Tout de même, si ses romans, nouvelles et contes ont peut-être un peu vieilli, si ses documentaires ne sont plus guère visibles, il demeure par sa poésie, par la maîtrise pastel de son champ chromatique, l'un des plus grands aquarellistes et dessinateurs du siècle dernier. Ses combats, même s'ils étaient justes et hélas prophétiques, ont parfois dissimulé la pleine mesure de son génie créateur. Sophie Cuenot (qui, journaliste, écrivaine et cinéaste, partage avec son modèle la diversité des moyens d'expression) ne sacrifie jamais l'un à l'autre et c'est là tout l'intérêt de la très belle biographie qu'elle lui consacre. La beauté ne prend pas une ride et celle des dessins de Samivel, magnifiquement reproduits dans le volume, en est une flagrante illustration. Il y a quelque chose de très japonisant dans ces aquarelles et gouaches. Comme dans Tintin au Tibet d'Hergé, la ligne claire se dissout sans cesse dans le fil de l'horizon, dans un identique paradis blanc. Le trait, souvent humoristique, des personnages de Samivel rappelle celui de Dubout. Comme ce dernier, Samivel, grand lecteur, illustra Rabelais, mais aussi Ramuz. Si son art évolua toujours plus vers l'épure, ses combats, eux, demeurèrent pour l'essentiel inchangés. Samivel fit de nombreux films pour défendre les richesses de l'Égypte ancienne ou celles de l'Arctique. Surtout, il lutta toute sa vie et jusqu'à son dernier souffle pour la préservation de la faune et de la flore de nos montagnes, en particulier des Alpes qu'il arpenta en promeneur, en randonneur sans cesse émerveillé. Paradis perdu que ses dessins nous rendent.
Samivel
Guérin/Paulsen
Tirage: 2 500 ex.
Prix: 56 € ; 240 p.
ISBN: 9782352215707