12 avril > BD France

Paru en 1942, traduit en quarante langues, le roman le plus populaire d’Albert Camus est aussi, selon son éditeur, Gallimard, « best-seller absolu » au format poche avec 7 millions d’exemplaires vendus en France. Il a été adapté au cinéma en 1967 par Luchino Visconti, avec Marcello Mastroianni. Ce n’est pourtant que la première fois, en cette année du centième anniversaire de la naissance du Nobel de littérature de 1957, que L’étranger, numéro deux dans la collection « Folio » après La condition humaine de Malraux, fait l’objet d’une adaptation en bande dessinée.

La source média référencée est manquante et doit être réintégrée.

On voit mal cependant qui d’autre aurait pu mener à bien l’entreprise avec autant de garanties de succès que Jacques Ferrandez le dessinateur né en 1955 à Alger. Non seulement il a pu « s’entraîner » en commençant par adapter L’hôte, une nouvelle du même Camus (Gallimard, 2009), mais la part la plus saillante de son œuvre est placée sous le signe du soleil de l’ancienne colonie française. Des dix volumes de sa fameuse série des Carnets d’Orient (Casterman, 1987-2009) à l’adaptation d’Alger la noire, de Maurice Attia (Casterman, 2012), le dessinateur semble avoir fait briller sous le soleil algérien le moindre caillou du djebel, fait brûler l’acier de toutes les limousines sur le goudron fumant d’Alger, chauffé à blanc toutes les plages et fait miroiter chaque vague déferlant de la Méditerranée.

L’histoire de L’étranger par Ferrandez reste bien sûr la même que dans le roman de Camus. Le jeune Meursault y évolue dans un état second entre l’enterrement de sa mère à l’asile de vieillards de Marengo, les bras de Marie - une ex-collègue dactylo rencontrée par hasard à la plage -, son monotone travail de bureau et un voisin vaguement louche, souteneur menacé par le frère de sa maîtresse maure, qu’il a maltraitée. Indécis et troublé, perturbé par la température, la luminosité et l’alcool, Meursault finit par se laisser aller à un meurtre absurde qui le conduira à la prison, au procès et à la condamnation à mort. Mais la chaleur oppressante, voire malfaisante qui suintait du roman se trouve ici comme exacerbée par les aquarelles du dessinateur. L’album figure magnifiquement le jeune homme étranger à lui-même en dépressif irradié par les rayons impitoyables. On pourra le vérifier aussi à Aix-en-Provence avec l’exposition de ses planches, complétée de documents d’archives, du 30 mars au 27 avril à la Cité du livre Jacque-Lacarrière.

Fabrice Piault

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