23 avril > BD Etats-Unis

En deux récits denses et complémentaires qui témoignent d’une vision pragmatique et lucide de la naissance de l’Amérique, Jack Jackson retrace l’émergence confuse et sanglante de l’Etat du Texas. Lui-même est natif, en 1941 (il est mort en 2006), de cet état frontalier longtemps disputé entre le Mexique et les Etats-Unis en formation. Son arrière-arrière-grand-père figura parmi les premiers colons de la République du Texas, rappelle dans sa préface Ron Hansen, l’auteur du fameux Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford. Le dessinateur, qui créa en 1964 le premier comix underground, God nose, après avoir été renvoyé du magazine humoristique The Texas Ranger, se tient ouvertement aux côtés des victimes d’une histoire riche en rebondissements cruels sur ce territoire qui a vu naître les cow-boys.

Le premier récit, "Los Tejanos", s’attache précisément aux figures de ces Texans hispaniques qui, de 1835 et la bataille d’Alamo jusqu’après la fin de la guerre de Sécession, en 1865, se sont battus face aux Mexicains avant d’être broyés par les vagues sans cesse plus nombreuses d’Anglo-Saxons en pleine conquête de l’Ouest. Il réhabilite l’héroïque patriote et notable texan Juan N. Seguin (1806-1890), qui s’est illustré dans la lutte contre le dictateur mexicain Antonio de Santa Anna avant de devoir alternativement composer avec les uns et les autres au point qu’ils l’accusent tous de traîtrise. Le second récit, "Une cause perdue", épouse, des années 1850 à la fin du siècle, la cause des Texans blancs emportés par les déchirements de la guerre de Sécession.

Jack Jackson développe un style narratif très personnel. Un texte taillé au scalpel fournit, en haut des cases, le fil conducteur du récit. Ce dernier est appuyé, dans les phylactères, par des dialogues et des phrases sobres et directes qui donnent à l’ensemble ses dimensions tragiques et souvent sarcastiques ; et magnifié par des dessins stupéfiants de précision. Travaillant très classiquement à l’encre et à la plume, recourant abondamment aux hachures, il livre un dessin épique, où chaque détail fait l’objet d’un soin méticuleux.

Fabrice Piault

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