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Tribune : "Haro sur les Maldives !"

Îles des Maldives - Photo

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Gérard Valembois, de la librairie lilloise Autour du monde, a retiré de ses rayons les livres traitant des Maldives. Il explique ses motivations et réaffirme la liberté et les responsabilités du métier de libraire.

Gérard Valembois

"Nous ne vendons plus de livres parlant des Maldives, depuis la décision du gouvernement maldivien de rétablir la peine de mort, qu’ils ont étendue jusqu’aux enfants âgés de sept ans. Tout simplement parce qu’on n’est plus au temps de Jean Valjean, qu’on ne tue plus un enfant parce qu’il a volé une pomme. Le régime des Maldives est l’un des plus durs au monde, c’est un pays qu’on déconseille depuis belle lurette. Condamner le gouvernement maldivien tout en continuant à vendre des livres sur ce pays serait donc une hypocrisie totale.

C’est vrai que d’autres pays peuvent sembler litigieux (l’Ukraine, la Syrie…), et que suivant cette logique, on pourrait retirer tous les livres de nos rayons. Mais en tant que librairie de voyage, il nous semble important de ne pas faire d’amalgame entre ce qu’il est possible de faire dans un pays et la politique que mène son gouvernement. Il est toujours possible d’aller en Syrie à l’heure actuelle, et les Syriens sont des gens très accueillants ; quant à ce qui se déroule en Ukraine, il faudrait plutôt blâmer la Russie, et il est toujours possible de visiter le pays. Les Maldives sont un cas à part : il s’agit d’un archipel fait d’îles-hôtels, où les touristes sont enfermés et ne peuvent avoir aucun contact avec la population locale.

Ce boycott résulte donc d’un choix éditorial. Chaque librairie fait ce qu’elle veut. Certains libraires ont pu choisir de ne pas mettre en avant des auteurs polémiques comme Salman Rushdie, par exemple. Nous, à l’époque, avions défendu les livres sur le général Massoud, qui selon nous était en train de sortir l’Afghanistan de l’obscurité. De la même manière, on ne vendra pas de bouquins sur Vladimir Poutine.

Nous estimons que les libraires, en tant que vendeurs de savoir, ont un rôle, voire un devoir d’éducation. Les gens, lorsqu’ils entrent dans une agence de voyage, ne savent pas forcément ce qui se trame dans la destination où ils veulent se rendre. Donc quand un pays ne va pas bien, on le dit. Autour du monde défend des valeurs humaines, un monde équitable où l’on se tend la main. Un bon libraire n’est pas seulement quelqu’un de curieux et ouvert, qui lit beaucoup. C’est également quelqu’un qui a un vrai rôle de conseil. Etre libraire, c’est être honnête envers ses clients et envers soi-même sans chercher à vendre à tout prix."

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