Essai/France 22 janvier Marc-Antoine Pérouse de Montclos

Docteur en sciences politiques, chercheur, Marc-Antoine Pérouse de Montclos n'est pas un analyste de cabinet, mais un homme de terrain, expert de l'Afrique subsaharienne, où il a vécu plusieurs années, au Nigéria, en Afrique du Sud et au Kenya notamment. Il s'est spécialisé dans l'étude des conflits armés, les déplacements de populations et les problèmes de l'humanitaire qui leur sont liés. C'est aussi, surtout, un esprit libre, qui ne craint pas d'aborder des sujets qui fâchent, d'exprimer des idées qui dérangent, de mettre le doigt sur des points particulièrement sensibles : comme, ici, les interventions militaires de la France en Afrique, surtout au Sahel.

Ecrit à la première personne, avec, en début de chaque chapitre, le récit d'une expérience personnelle « en immersion », nourri d'anecdotes, de choses vues, et de documents (par exemple les déclarations de tel ou tel de nos dirigeants), enrichi d'encadrés techniques éclairants (sur la charia, ou la situation spécifique du Nigéria), Une guerre perdue se veut une remise en cause, une contestation du bien-fondé des opérations militaires françaises en Afrique, depuis leurs débuts. En particulier au Sahel. Après une introduction au titre très clair, « Pourquoi la France doit quitter le Mali », Pérouse de Montclos rappelle les origines de l'intervention, nommée « Serval », ordonnée par François Hollande, Président pourtant peu belliciste, en 2013, et organisée par son ministre de la Défense, un certain Jean-Yves Le Drian, alors socialiste. Lequel, rallié à Emmanuel Macron, est aujourd'hui ministre des Affaires étrangères. Rebaptisée « Barkhane » en 2014, l'opération est toujours en cours, dans le nord du Mali. Et force est de constater son échec : non seulement nos soldats ne parviennent pas à empêcher les attentats sanglants dans toute la zone sahélienne (Mali, Niger, Burkina Faso...), ainsi que l'actualité l'a encore démontré récemment, ni à éradiquer ce qu'on rassemble par commodité sous le nom de « terrorisme islamiste », ou « djihadiste », mais ils subissent eux-mêmes des pertes, mal appuyés par des armées locales inefficaces et mal équipées, voire corrompues, et surtout dévolues au service de potentats eux-mêmes tout sauf irréprochables. Au mieux des incapables, au pire des autocrates, pilleurs des richesses de leurs pays.

C'est là le grand reproche que les démocrates africains adressent à la France : elle continue de mener une politique « néocolonialiste », de soutenir des régimes infréquentables, et de tout mélanger.

Selon Marc-Antoine Pérouse de Montclos, l'Afrique est le théâtre de « guerres civiles internationalisées », et la notion de « terrorisme » un fourre-tout subjectif où l'on amalgame des groupes insurrectionnels d'idéologies, de revendications et de moyens très divers. Mais si on peut le suivre dans son raisonnement, sa démonstration et ses conclusions, on remarquera que l'analyste ne suggère guère de solutions pour mettre un terme à la situation explosive de la zone sahélienne, et d'une grande partie du continent : Tchad, Cameroun, Nigéria, Somalie, Kenya, Ethiopie, Congo... Sortir du « bourbier », certes, mais si c'est pour faire comme les Américains en Afghanistan et au Moyen-Orient, ce serait indigne.

Marc-Antoine Pérouse de Montclos
Une guerre perdue : la France au Sahel
JC Lattès
Tirage: 1 900 ex.
Prix: 18 euros ; 320 p.
ISBN: 9782709666039

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