2 octobre > Chroniques France

En 1932, dans l’une des chroniques qu’il donnait depuis deux ans à l’hebdomadaire Gringoire - pas encore devenu l’un des journaux les plus collabos, disparu en 1944 -, Pierre de Régnier, alias Tigre, surnom dont il signait les dessins qui accompagnaient ses articles, écrivait : "il n’y a plus de viveurs, il ne reste que des vivants…" L’aphorisme est superbe, et dépeint le personnage. Tigre (1898-1943) a brûlé sa vie par les deux bouts, abusant des alcools, du tabac et des drogues, faisant la noce toutes les nuits dans ce "Paris ma Grand’ville" (c’était le titre de sa rubrique), mondain, culturel et nocturne qu’il a aimé passionnément, avec le sentiment que tout cela ne saurait durer. 1930-1939, les années Gringoire de Pierre de Régnier, c’est la fin de la Belle Epoque, morte dans le grand krach de 1929, et c’est surtout la marche vers la guerre, au son des bruits de bottes. Dans ce contexte angoissant, Tigre se consacre à ce pour quoi il est fait : la fête et l’écriture.

L’écriture, il est tombé dedans dès sa naissance : il est le petit-fils de José-Maria de Heredia par sa mère, la volcanique Marie - Gérard d’Houville en littérature -, le fils officiel du sinistre Henri de Régnier, le fils naturel de l’extravagant Pierre Louÿs. De santé fragile, réformé pour la Grande Guerre à son grand désespoir, il se réfugie dans la bohème, la poésie, le roman, et La vie de Patachon, titre de son seul livre connu, paru en 1930, qui lui vaut une petite notoriété. On ne sait guère plus de l’homme, dont on ne possède même qu’une seule photo.

Restent ses chroniques, très en avance sur leur temps : people, modernes, mélancoliques sur le fond. On retrouve notre ami le 13 janvier 1933, au théâtre de l’Empire, pour la rentrée de la chanteuse réaliste Damia, immense diva du temps, qu’il voit comme "le papillon de nuit de la chanson triste". Mettons vite ce Tigre-là dans le moteur cacochyme de notre époque morose. Jean-Claude Perrier

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