Classes préparatoires

Une année blanche pour les classes préparatoires

Concours de secretaire administratif et de droit administratif à la maison des examens - Concours administratifs - Maison des examens - Photo Olivier Dion

Une année blanche pour les classes préparatoires

Avec ou sans Covid-19, le marché à bout de souffle des classes préparatoires aux grandes écoles attend la réforme des programmes de la rentrée 2021 pour renouer avec la croissance.

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Par Charles Knappek
Créé le 26.06.2020 à 11h22

La crise sanitaire n'a pas complètement étouffé l'enseignement au sein des classes prépara-toires aux grandes écoles. Comme dans maints autres domaines, débrouille et système D - en l'occurrence des cours organisés en vidéo-conférence - ont permis aux étudiants confinés de deuxième année de préparer leurs épreuves dans des conditions quasi normales. La période du mois de mars marque habituellement la dernière ligne droite avant les concours ouvrant accès aux grandes écoles organisés à partir de la mi-avril. Mais, dans l'édition, pas d'angoisses excessives : à l'heure du confinement, les livres avaient été achetés depuis longtemps.

Jean-Luc Blanc, Dunod- Photo OLIVIER DION

Les éditeurs se projettent plutôt dans leurs programmes des mois à venir. L'annonce le 24 mars par le ministère de l'Enseignement supérieur du report « à une date ultérieure » des épreuves écrites des concours d'entrée aux grandes écoles de commerce et d'ingénieur ne devrait avoir qu'un impact limité sur le secteur. Et ce d'autant plus que le marché des classes prépas est cette année de toute façon en bout de course, dans l'attente de la réforme de 2021 consécutive à celle du lycée et à l'arrivée dans le supérieur des premiers bacheliers nouvelle formule. Seul bémol, les épreuves orales (uniquement pour les concours d'entrée en école de commerce au moment de boucler cet article) ont été annulées afin d'éviter tout décalage de calendrier à la prochaine rentrée.

Elocia Vermeulin, Vuibert- Photo OLIVIER DION

Même la fermeture des librairies imposée dès le 15 mars au titre des mesures ciblant les commerces non essentiels s'avère sans conséquences dramatiques à court terme. « La crise sanitaire et le report des épreuves ne nous impacteront pas vraiment car nous étions en fin de cycle de ventes sur les ouvrages en question », confirme Nathalie Bourdon, responsable éditoriale classes préparatoires chez Dunod. La dernière salve de ventes pré-réforme, pour les ouvrages de première année pour la rentrée 2020, pourrait certes s'enclencher un peu plus tard que d'habitude. Mais compte tenu de la saturation du marché de l'occasion - la précédente réforme remonte à 2013 - et du rythme décroissant des ventes depuis plusieurs années, les conséquences ne s'en seraient fait sentir qu'à la marge : avec ou sans Covid-19, l'année à venir s'annonçait de toutes les manières très calme.

Les éditeurs avaient prévu de rester l'arme au pied dans l'attente d'une réforme 2021 dont ils ignoraient toujours à la fin du mois de mars quelle forme elle prendrait. « Nos collections seront renouvelées dès lors que nous aurons pris connaissance des nouveaux programmes », résume Manon Savoye, directrice éditoriale chez Ellipses. « Nous avons jusqu'à présent concentré nos efforts sur la réforme du baccalauréat. Cela nous permet d'anticiper celle des classes prépas, dans la poursuite du mouvement amorcé dans le secondaire.Nous sommes dans l'attente, confirme Frédéric Vignaux, directeur de Studyrama, qui possède la marque Bréal, spécialisée dans les prépas. Nous serons attentifs aux premiers résultats du baccalauréat 2021 pour mesurer le niveau d'exigence aux épreuves. » Cette année, l'éditeur annonce seulement la refonte de son Super Manuel de physique (Bréal) et réserve son programme de nouveautés pour la rentrée de septembre 2021. « L'exercice 2020/21 ne sera pas différent des précédents avec un rétrécissement du marché qui va se poursuivre et un recul maîtrisé du chiffre d'affaires, renchérit Jean-Luc Blanc, responsable éditorial classes préparatoires scientifiques chez Dunod. Cette situation est tout à fait normale compte tenu de la part croissante des ventes de livres d'occasion. »

Formats plus courts

Même sans informations sur les futurs programmes, la réforme à venir nourrit la réflexion des éditeurs. La fusion déjà actée des prépas ECE et ECS en une seule classe préparatoire économique et commerciale générale (ECG) est notamment étudiée de près. Quatre filières en Terminale seraient possibles dans cette voie : mathématiques approfondies, mathématiques appliquées, géopolitique et sociologie/économie/histoire du monde contemporain. « Le seul vrai prérequis sera de suivre la spécialité maths en Première et en Terminale (avec l'option maths expertes) ou de prendre l'option maths complémentaires si on abandonne la spécialité maths », estime Nathalie Bourdon, chez Dunod.

« Nous sommes attentifs à maintenir le lien entre la Terminale et la prépa, ajoute Manon Savoye. Les élèves qui font maths et maths expertes au lycée ont normalement le niveau pour les prépas scientifiques. Mais beaucoup arrêtent la spécialité maths en première et se contentent de maths complémentaires, ce qui est un peu juste pour réussir en prépa commerciale. » Ellipses prévoit ainsi de mettre en place des ouvrages de prérequis pour accompagner ces élèves. « Nous ferons ces titres en fonction des programmes et des critères de recrutement mis en place par les grandes écoles de commerce », précise Manon Savoye.

La réforme donnera surtout l'occasion à tous les éditeurs de faire le bilan des succès et des échecs des dernières années : les étudiants en classes prépas ont beau être de plus gros consommateurs de livres que leurs condisciples des universités, ils n'en développent pas moins eux aussi une appétence pour les formats plus courts et plus accessibles.

Plusieurs nouveaux concepts éditoriaux ont vu le jour récemment pour répondre à ces nouveaux besoins. Ellipses par exemple a publié en 2018 une collection « ExoMaths » dont les titres sont découpés en chapitres thématiques conçus pour faciliter l'assimilation des incontournables de chaque matière. De la même manière l'éditeur continue d'alimenter en nouveautés sa collection parascolaire « Que faire ? » sans être encore en mesure de dire si elle sera maintenue après 2021. « Cela dépendra sans doute des spécialités », avance la directrice éditoriale de la maison. Ceci dit, les grandes collections historiques « Prépas Sciences » et « Methodix » sont toujours les éléments phares de l'offre d'Ellipses. Pas forcément une mauvaise nouvelle pour l'éditeur.

Selon Manon Savoye, « le niveau demandé reste très soutenu et les étudiants continuent de se tourner vers nos collections les plus réputées et les plus solides. Le livre de cours complet demeure le socle du parcours d'études en classes prépas et n'est pas détrôné par les formats plus courts. »

Coaching et méthodologie

Comme l'an dernier, les quelques nouveautés annoncées par les éditeurs concernent moins des parties des programmes - déjà couverts - que des thématiques comme le coaching ou la méthodologie. Sur le modèle d'une formule déjà éprouvée avec succès sur le marché des études de médecine, Vuibert a par exemple confié à de jeunes diplômés très bien classés la rédaction d'Intégrer HEC ou l'école de commerce de tes rêves et d'Intégrer l'X ou l'école d'ingénieur de tes rêves. Ces deux titres, qui doivent paraître avant l'été, sont édités en partenariat avec le blog étudiant Les Sherpas. « Nous rajeunissons le concept du livre de méthode, explique Elocia Vermeulin, responsable éditoriale du pôle concours et prépas chez Vuibert. Nos auteurs fraîchement diplômés s'inscrivent dans une logique d'échange entre pairs qui plaît beaucoup. Le partenariat avec Les sherpas (200 000 visites par mois) est également un vrai plus pour toucher une cible la plus large possible. » Comme un certain nombre de livres de cours parus chez Vuibert, ces deux nouveautés proposent en supplément des vidéos associées au contenu. Sur un positionnement voisin, Ellipses propose Intégrer les grandes écoles et les filières d'excellence, destiné aux « étudiants qui ont besoin d'être accompagnés tout au long de leur parcours  », selon Manon Savoye.

Au-delà des ouvrages de méthodologie et de coaching, Dunod annonce de son côté pour juin une nouveauté dans la série « Méthodes et exercices » au sein de sa grande collection « J'intègre». Intitulé Informatique - Mathématiques, algorithmique et programmation, l'ouvrage s'adresse aussi bien aux premières qu'aux deuxièmes années des classes préparatoires scientifiques. « Quelle que soit la filière dans laquelle ils sont engagés, tous les élèves de prépa ingénieur reçoivent un enseignement informatique qui a pour objectif de leur fournir les notions de base, indique Jean-Luc Blanc, chez Dunod. Ce titre est conçu pour les aider à assimiler toutes ces notions. » Ellipses se positionne également sur le créneau avec L'informatique (vraiment) pour tous en classes préparatoires aux grandes écoles en Références Sciences.

Dans la même collection, l'éditeur annonce par ailleurs une nouveauté couvrant l'épreuve de mathématiques pour les grandes écoles militaires et le concours commun des instituts nationaux polytechniques (préparation écrit et oraux en 2e année MP, PC et PSI). « On s'adresse ici à un public plus pointu, c'est aussi sur ce genre de propositions que nous sommes attendus et reconnus », souligne Manon Savoye.

Compléments numériques

Du côté des refontes, une seule opération est à signaler. Après avoir procédé au renouvellement complet des « Vuibert Prépas » de première année, dont 13 titres ont été refondus (contenus, maquette et couverture) l'été dernier, Vuibert poursuit le mouvement engagé avec ses titres couvrant la deuxième année. Les ouvrages actualisés bénéficieront eux aussi de l'ajout de compléments numériques accessibles via des QR Code ou des liens mini disséminés dans les pages.

Enfin, le marché des thèmes de français-philosophie pour les prépas scientifiques et de culture générale pour les prépas commerciales restera classiquement un relais de croissance apprécié (le titre de culture générale sera notamment la seule nouveauté en prépa commerciale chez Dunod), même si la concurrence très forte conduit certains acteurs à repenser leur stratégie. Vuibert renonce par exemple à l'épreuve de culture générale et renforce son offre sur le thème de français/philo (la force de vivre). L'éditeur complète son tout-en-un par un ouvrage de fiches. Pour la force de vivre, les trois auteurs au programme et leurs œuvres sont La supplication, de Svetlana Alexievitch, Le Gai Savoir, de Friedrich Nietzsche et Les contemplations, de Victor Hugo (livres 4 et 5). Comme chaque année, les éditeurs engagent une course de vitesse pour publier le plus vite possible des titres que les étudiants s'arrachent dès le mois de mai pour les étudier pendant les vacances d'été. Les mesures de confinement et la suspension des offices pourraient avoir pour conséquence de retarder les parutions de quelques semaines.

In fine, l'actuelle crise sanitaire ne semble pas devoir remettre en question l'économie du marché des classes prépas. Si elle a contraint les étudiants à suivre leurs cours à distance, les éditeurs ne croient pas à un bouleversement des usages en termes d'apprentissage. Chez Ellipses, Manon Savoye indique certes « réfléchir » à la mise en place d'une offre complémentaire numérique. Elle précise cependant que la maison « ne fera pas de livres numériques qui n'existeraient pas en papier. Le papier reste pour le moment au cœur de notre discours et de notre offre d'éditeur. »

De même Vuibert accorde une place croissante aux compléments numériques via son offre + en ligne, ouverte l'an dernier aux classes prépas, mais n'annonce pas d'offre 100 % digitale à court terme. « Nous proposons des outils numériques en complément de nos livres papier, mais pas en substitution », rappelle Elocia Vermeulin.

Chez Dunod, le site Les-maths-en-prepas.fr mis en ligne en 2018 ne donne pas, pour l'heure, lieu à de nouveaux développements. Est-il encore trop tôt, plus d'un an avant la réforme, pour communiquer ? L'exception notable d'H&K (voir encadré p. 41), dont le modèle économique repose chaque année davantage sur le numérique, pourrait conduire les éditeurs à changer leur fusil d'épaule. 

La répartition des ventes

Les sciences humaines alimentent 68,6 % du marché du livre dédié aux classes préparatoires, évalué sur un an par GFK à 6,5 millions d'euros (- 11,4 %) pour 311 000 volumes vendus (- 14,5 %), dont 35,6 % au format poche, avec un prix moyen de 21 € (+ 3,6 %).- Photo LIVRES HEBDO/GFK

Les principaux éditeurs

Les cartes sont rebattues sur le marché des livres destinées aux classes préparatoires, où Hachette Livre reprend l'ascendant sur Ellipses, tandis qu'Albin Michel et Madrigall, en forte progression, s'installent, devant Studyrama, respectivement en 3e et 4e positions.Répartition en valeur mars 2019/février 2020- Photo LIVRES HEBDO/GFK

Le numérique décolle chez H&K

Alors que les ventes papier d'H&K ont reculé de 5 % en 2019, selon son gérant Sébastien Desreux, l'éditeur continue d'enregistrer une forte croissance sur le volet numérique de son offre. La plateforme Doc Solus, qui regroupe les énoncés et les corrigés des épreuves scientifiques aux écrits de concours e3a (filière PSI principalement), CCP, Centrale, Mines et X (surtout les filières MP et PC), représente maintenant 60 % des bénéfices d'H&K sur le segment des corrigés. « S'agissant des corrigés, nous sommes devenus un éditeur numérique, assure Sébastien Desreux. D'ici une dizaine d'années et compte tenu du rétrécissement régulier des rayons universitaires en librairie, la rentabilité des tirages papier pourrait même être remise en question. » H&K revendique 32 000 connexions uniques par mois sur Doc Solus avec un taux de rebond de 34 %. La mise en ligne de livres de cours ou de fiches, annoncée l'an dernier, a pris du retard mais reste à l'ordre du jour. En parallèle, l'éditeur continue de publier ses Guides Manga, susceptibles d'intéresser à la marge les étudiants de prépas. Deux titres consacrés à la relativité générale et à la physiologie sont annoncés pour cet été.

Lavoisier abandonne les prépas

Tout juste remis de ses difficultés financières, et après avoir un temps entretenu l'espoir de se maintenir sur le segment des classes préparatoires au moment de l'entrée en vigueur de la réforme de la rentrée 2021, Lavoisier a finalement décidé de ne pas renouveler son offre. Celle-ci était historiquement composée de titres au positionnement haut de gamme et aux prix élevés. L'éditeur préfère se concentrer sur son cœur de métier des ouvrages médicaux. « C'est l'étendue du travail à entreprendre, le tout pour un résultat incertain, qui nous a conduits à prendre cette décision, explique le P-DG de Lavoisier, Patrick Fenouil. Le marché, où nous avons toujours été un challenger, est complexe. Les modes d'apprentissage changent, les outils aussi. Je ne suis pas certain que le livre tel que nous le connaissons ait encore de beaux jours devant lui s'agissant des classes préparatoires. »

Les 50 meilleures ventes en classes préparatoires

Les thèmes de français/philo (prépas scientifiques) et de culture générale (prépas commerciales) représentent la moitié des titres présents dans notre classement annuel Livres Hebdo/GFK des meilleures ventes de livres de classes préparatoires. Comme chaque année le thème de français/philo (en 2020, la démocratie) se taille la part du lion et permet à Flammarion d'asseoir sa domination sur le segment avec De la démocratie en Amérique (1er) et le tout-en-un La démocratie (2e) qui analyse les trois œuvres au programme. Ellipses reste solide leader sur les gros manuels de cours avec neuf titres sur les douze présents dans le top 50. Dans la filière BCPST, Vuibert confirme le succès de ses mémentos de biologie (18e) et de géologie (30e) tandis qu'en MPSI Dunod est toujours présent avec son tout-en-un Maths MPSI (29e). Enfin, les titres d'anglais de Nathan The grammar guide (25e) et The guide (50e) font leur retour au palmarès à la faveur du tassement général du nombre d'exemplaires vendus (voir p. 56).

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