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Ventes : des fêtes qui font du bien

Vitrine de la librairie Compagnie, à Paris, décembre 2016. - Photo Olivier Dion

Ventes : des fêtes qui font du bien

Jugées honorables par les libraires après un bon mois de novembre, les ventes de livres en décembre viennent clore une année 2016 difficile, marquée par une nouvelle montée en puissance des achats via Internet.

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Par Clarisse Normand, Cécile Charonnat
Créé le 06.01.2017 à 00h33 ,
Mis à jour le 06.01.2017 à 10h47

Pour les 160 librairies de toutes tailles dont les données sont agrégées par l’Observatoire de la librairie créé par le Syndicat de la librairie française (SLF), les ventes de livres au comptant s’inscriraient, en décembre 2016, en léger repli de 0,5 %. "Une quasi-stabilité donc, qui est loin d’être une contre-performance dans la mesure où l’activité de décembre 2015 avait été très bonne, avec une hausse de 4,2 % d’après l’Observatoire", estime le délégué général du SLF, Guillaume Husson. Sur le terrain, à l’instar de Michel Stievenard (L’Arbre à lettres Bastille, Paris 12e), nombre de libraires se disent finalement, avec des ventes globalement étales en décembre, "pas mécontents". "Sachant que décembre 2016 se compare chez nous à un mois de décembre 2015 exceptionnel, j’estime que le léger repli de 1 % qui a été enregistré n’est pas si mal", lance Sylvie Maillet (Fontaine Sèvres, Paris 7e).

Avec aussi des ventes stables en décembre, Romain Cabane (Les Danaïdes, Aix-les-Bains) se félicite de leur meilleur étalement dans le temps : "Les achats de Noël ont débuté plus tôt que d’habitude, du coup l’activité a été mieux répartie et nous avons été plus disponibles pour conseiller nos clients. En revanche, la dernière semaine a été très calme." A La Compagnie des livres, à Vernon (Eure), Nathalie Claudel constate également une belle progression jusqu’à Noël, mise à mal par la dernière semaine. "Entre Noël et le jour de l’an, il y avait une semaine entière, rappelle-t-elle. Du coup, les gens sont partis. Et, pour la première fois depuis treize ans, nous finissons décembre avec une très légère baisse." Qualifiant de "très raisonnable et nullement euphorique" l’activité de décembre, Pierre Coursières, le P-DG du Furet du nord, qui compte 16 magasins, ne cache pas qu’il s’attendait à mieux.

Enthousiastes

D’autres libraires se montrent pourtant enthousiastes devant le bilan de leur activité pendant les fêtes, qui survient après un bon mois de novembre, à + 4,5 %. A L’Ecume des pages (Paris 6e), Loïc Ducroquet annonce "+ 5,5 % sur un + 11 % enregistré en décembre 2015 ! Nous avons ainsi réalisé le plus gros mois de décembre de l’histoire de notre librairie. Il y a eu une fréquentation énorme, se félicite-t-il. C’est, je pense, le résultat du travail effectué toute l’année." Chez Maupetit, à Marseille, Damien Bouticourt se montre aussi très satisfait avec une hausse de 5 % qu’il attribue de la même façon au travail de fidélisation des clients. Dans le secteur de la bande dessinée, le groupement Canal BD, qui réunit plus de 100 librairies indépendantes, annonce également une progression de 5 % à périmètre comparable. Enfin, parmi les grandes enseignes nationales, si la Fnac n’a communiqué aucune information, Cultura évoque, pour décembre, une croissance de 5 % à périmètre comparable.

Une fois encore, le livre aura été un cadeau attractif, "facile, peu cher et valorisant", résument de concert Giuseppa Ferrara, déléguée générale du groupement Les Libraires ensemble, et Marie-José Cegarra, responsable du développement des espaces culturels Leclerc. A côté des prix littéraires, ont été particulièrement plébiscités Le Canard enchaîné : 100 ans et Rouge de Michel Pastoureau pour les beaux livres, et, en bande dessinée, L’Arabe du futur de Riad Sattouf, ainsi que les derniers albums des séries Blake & Mortimer et Lucky Luke.

Les diffuseurs se montrent aussi satisfaits. Le directeur général de Média Diffusion, Stéphane Aznar, se félicite d’un "excellent mois de décembre". Marc Dalby, directeur des ventes chez Actes Sud, revendique une "très bonne fin d’année, avec de nombreux titres qui continuent à bien se vendre, parmi lesquels Le charme discret de l’intestin de Giulia Enders paru il y a plus d’un an et demi."

Performance du e-commerce

Diffuseurs et directeurs commerciaux notent un regain de dynamisme du e-commerce du livre, dominé par Amazon. Stéphane Aznar observe "une nouvelle montée en puissance d’Internet en fin d’année". Francis Lang, directeur commercial d’Hachette, pointe "un développement très marqué des ventes en ligne qui, sur l’ensemble de l’année, ont marqué des points et pris des parts de marché". Une accélération que certains attribuent aux nouvelles habitudes de consommation prises après les attentats de novembre 2015 à Paris.

Si le bilan final ne doit être connu que fin janvier, l’année 2016 apparaît d’ores et déjà moins fructueuse pour le livre que 2015 où l’activité avait progressé de 1,8 %, selon nos données Livres Hebdo/I+C. Année électorale oblige, les libraires abordent 2017 avec circonspection, mais ils s’appuient sur les nouveautés à fort potentiel de janvier, le 3e tome de L’amie prodigieuse d’Elena Ferrante et Le cas Malaussène de Daniel Pennac (Gallimard), ou Danser au bord de l’abîme de Grégoire Delacourt (Lattès), pour doper la fréquentation et l’activité. C. N.

Des ventes avant l’heure

Certains n’ont pu contenir leur impatience. Attendu le 3 janvier, Celle qui fuit et celle qui reste d’Elena Ferrante (Gallimard) est apparu sur les tables de dizaines de libraires dès les derniers jours de décembre, au point de se hisser au 37e rang des meilleures ventes de romans pour la semaine du 26 décembre au 1er janvier (voir p. 50). Au même office, la version poche du deuxième tome, Le nouveau nom, et Le cas Malaussène de Daniel Pennac ont connu la même aventure.

Cette indélicatesse a particulièrement agacé les libraires qui s’astreignaient à respecter la date de mise en vente. "Sidéré qu’un certain nombre de libraires se laissent aller à ces pratiques", Pascal Thuot, de Millepages (Vincennes), déplore ces "irrégularités dommageables pour l’ensemble de la profession. D’un point de vue éthique, on va droit dans le mur en donnant, en plus, à Amazon les outils pour nous plomber".

Problème : qui pour faire le gendarme ? Même s’il a "rappelé à l’ordre" certaines des librairies du groupe, contrevenantes, le directeur commercial de la littérature de Gallimard, Jean-Charles Grunstein, se refuse à endosser ce rôle. "Il n’y a pas de police à faire, c’est à chacun de prendre ses responsabilités et de se souvenir de ce pour quoi ces règles ont été faites." Au SLF, où l’on déplore aussi de tels débordements, Hélène Clemente, chargée de mission pour les questions commerciales, affirme "travailler sur le sujet" mais reste "confrontée à des contraintes juridiques". Si des pistes sont évoquées, comme l’introduction du respect de la date de mise en vente dans les conditions générales de vente des diffuseurs, aucune ne satisfait, pour le moment, les différents partenaires. C. Ch.

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