avant-portrait RENTRÉE LITTÉRAIRE > Thomas Vinau

Sur son avant-bras, un tatouage en majuscules dans un entrelacs végétal : "SI OMNES EGO NON" (quelque chose comme : "Si tout le monde y va, moi pas"). Belle et fière devise, qui convient bien à Thomas Vinau. Lequel, d’une voix suave et ferme à la fois, résume ainsi son parcours : "Je ne suis pas très croustillant." A grands traits, après "une jeunesse un peu rock’n’roll", "un peu erratique" dans pas mal d’endroits où il vécut de petits boulots alimentaires, il décide de se consacrer à lire ses auteurs favoris (Jim Harrison, Bukowski, Brautigan, mais aussi Guillevic, Perros ou Pirotte…) et à écrire ses livres. "La seule chose que je fais sérieusement, avec les enfants !" Avec sa compagne, future institutrice, ils ont deux fils, Gaspard et Joseph, qui ont "changé [sa] vie" et à qui il dédie son nouveau roman, Le camp des autres.

Vinau s’est construit son monde à lui, dans une modeste maison de Pertuis, Vaucluse, mais avec un jardin, à l’écart du monde, même s’il n’en méconnaît pas les souffrances, les partage et les dénonce à sa façon, toute en "douce récalcitrance". Bien loin, aussi, du milieu littéraire parisien, quoique, depuis son premier roman Nos cheveux blanchiront avec nos yeux (2011), il fasse un peu figure de chef de file très informel de ce qu’on pourrait appeler "l’école Alma". Le texte, arrivé chez l’éditeur naissant grâce à l’écrivain Jean-Baptiste Gendarme qui l’avait présenté à Jean-Maurice de Montremy, fut le premier à y être publié. Il a été tout de suite remarqué. Depuis, entre deux recueils de poèmes, de récits ou de portraits qu’il publie chez d’autres éditeurs (Le Castor astral, notamment), il en a écrit trois autres, dont Ici ça va (2012), son "best-seller", tous repris en 10/18. Autour de ce livre devenu emblématique de la maison, d’autres auteurs se sont agrégés, comme Pierre Raufast, Guillaume Siaudeau, Arnaud Dudek. Une "petite bande", dixit Vinau, qui se connaît, s’apprécie, et a quelques points communs. Jeunes, provinciaux, portant sur la réalité un regard décalé, ironique, décapant.

Vols et arnaques

C’est le cas du Camp des autres, différent des trois premiers romans de Vinau. Il s’inspire de l’histoire méconnue de la Caravane à Pépère, une espèce de Bande à Bonnot sans la violence, des romanichels, déserteurs, bandits qui, en 1906-1907, ont défrayé la chronique avec leurs vols et leurs arnaques. Ils ont été pourchassés par les Brigades du Tigre de Clemenceau. "Même si, au final, explique l’auteur, ce livre est presque le plus personnel de mes romans, j’avais envie d’élargir mon univers, de dire des choses politiques, à ma façon, et en résonance avec des sujets d’actualité : les roms, les réfugiés… De me coltiner à la réalité en faisant un détour par la fiction." Avec une écriture très travaillée, très poétique. Le livre suivant de Thomas Vinau sera peut-être un recueil de poèmes, ou un album jeunesse. Gaspard et Joseph vont être contents de leur père.

Jean-Claude Perrier

Thomas Vinau, Le camp des autres, Alma éditeur. 17 euros, 194 p. Sortie : 24 août. ISBN : 978-2-36279-217-5

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