Vincent Chabault est maître de conférences en sociologie à l'université Paris-Descartes, et notamment auteur de Sociologie de la consommation (Dunod) et de Construire son projet personnel et professionnel (EMS).
La multiplication des créations et reprises de librairies relève-t-elle d'un phénomène générationnel ?
Je travaille actuellement sur une sociologie du commerce et en particulier sur l'émergence de ce que j'appelle les néo-commerçants, dont font partie les libraires. Ils ont entre 30 et 50 ans, sont plutôt diplômés et ont travaillé comme cadres dans des entreprises où ils ont parfois été malmenés à la suite de restructurations. Disposant de ressources financières et résidant dans des quartiers populaires en voie de gentrification, ils veulent s'investir sur leur territoire, notamment par la culture.
Quelles sont leurs motivations ?
La première est l'indépendance. Ils veulent être leur propre patron. Mais ils cherchent aussi à exprimer un engagement sur un mode de vie. Comme les néo-cavistes qui recherchent l'authenticité et défendent des petits producteurs locaux, les néo-libraires souhaitent souvent valoriser l'édition indépendante.
Peut-on parler de quête de sens ?
Absolument. Ces entrepreneurs cherchent à redonner à leur travail un sens qu'ils ont le sentiment d'avoir perdu dans les grandes entreprises qui pratiquent un management standardisé. D'où les reconversions vers l'artisanat et le commerce indépendant. Le métier de libraire, comme agent culturel qui partage ses goûts et défend des valeurs, répond bien à cette quête.