20 septembre > Correspondance Russie > Vladimir Nabokov

L’an dernier, les lettres de François Mitterrand à Anne Pingeot ont intrigué les lecteurs car on se demande toujours qui est l’homme derrière une grande personnalité. La question vaut également pour Vladimir Nabokov. Au-delà de l’œuvre, quelle trace a-t-il laissée dans sa vie privée ?

Sa femme a soigneusement gardé leurs échanges épistolaires, mais tout comme la compagne du Président, elle n’a confié que sa version à lui car elle aurait détruit sa part à elle. D’après le biographe Brian Boyd, qui s’est battu pour obtenir ces documents, les Lettres à Véra nous montrent ces deux êtres "sous un jour inhabituel. Leur vie a connu bien des bouleversements. C’est une des raisons de la fascination qu’exerce" cette correspondance. Une autre étant qu’elle couvre une union de cinquante ans. Nabokov ne peut pas vivre sans cette femme qui assure toutes les fonctions : administratrice, archiviste, secrétaire, dactylo, chauffeure, et muse. Dès qu’il est séparé d’elle, il lui écrit tous les jours - "ma Truffette, mon Minou, ma toute tiède, mon tendre animal, mon âme". Véra ne répond pas souvent à ces débordements, mais elle attise subtilement la flamme. "Toi et moi sommes tout à fait spéciaux : personne n’aime comme nous. Qu’a reconnu mon âme en toi ? Pourquoi m’as-tu autant ému", note-t-il. Le coup de foudre a lieu en 1923 à Berlin, ville où se trouve une grande partie de la diaspora russe. Vladimir Nabokov a été éprouvé par la mort de son père, assassiné par des militants d’extrême droite. Véra étant juive, sa situation se complique, mais elle ressent moins le besoin de fuir. Le couple est rarement séparé, si ce n’est à cause de problèmes d’argent, de famille ou de santé. Brian Boyd rapporte qu’il "y avait chez elle quelque chose de farouche, d’implacable et de fragile". Quand Véra est souffrante, son mari compose des mots croisés ou des rébus presque insolubles pour le monde extérieur.

La plupart du temps, il raconte son quotidien, au sein des milieux intellectuels, ou l’évolution de son travail. On regrette toutefois qu’il ne décrive pas l’époque incroyable qu’il traverse dans plusieurs pays. Or cet entomologiste passionné préfère se consacrer à son écriture ou à sa bien-aimée. Pouchkine dit que "la souffrance est une bonne école, mais le bonheur est la meilleure université".

Kerenn Elkaïm

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