Distribution

Zizanie autour d'Amazon près du Pont-du-Gard

Extrait de la déclaration du projet de construction

Zizanie autour d'Amazon près du Pont-du-Gard

Le projet de centre de tri d'Amazon à proximité du Pont-du-Gard, patrimoine mondial, et en pleine région viticole, provoque la discorde entre partisans et opposants. Onze recours ont été déposés contre les promoteurs de cet "hangar à camions".

Par Vincy Thomas,
avec afp Créé le 05.06.2020 à 21h00

"Scandale" pour les uns, "jackpot économique" pour les autres: le projet d'implantation d'un énorme centre de tri Amazon où tourneront plus de 500 camions par jour à moins de 9 kilomètres du Pont-du-Gard, joyau du patrimoine mondial, divise profondément élus et habitants de cette région touristique.

C'est le long de l'autoroute A9, entre Italie et Espagne, que la société Argan, qui a pour client Amazon mais aussi Décathlon, L'Oréal ou Casino, a obtenu fin 2019 le permis de construire de la mairie de Fournès (1100 habitants) puis l'autorisation environnementale du préfet du Gard pour bâtir un entrepôt de 38000 m2 sur 14 hectares. Equivalent à un immense immeuble de cinq étages, le centre de tri du géant américain est censé sortir de terre à quelques kilomètres à peine du Pont-du-Gard, faisant craindre qu'il ne soit la première et dernière image que verraient ses millions de visiteurs.

Dans l'enquête publique et les documents officiels, le géant américain du commerce en ligne n'est jamais nommé. Mais aucun doute ne subsiste: c'est bien d'Amazon qu'il est question. 

A l'origine des polémiques, certains habitants de Fournès entendent pour la première fois parler d'un "hangar à camions" fin 2018, explique Patrick Genay, apiculteur et membre du Forum citoyen opposé au projet. "En fait, ça faisait deux ans que les plans circulaient en toute opacité", dénonce-t-il.

"Le projet évoluait en catimini, loin de la population concernée", renchérit Patrick Fertil, de l'association Adere (Association pour le développement de l’emploi dans le respect de l’environnement). 

Du côté de ses partisans, notamment à la préfecture, à la mairie de Fournès ou encore à la Communauté de 17 communes du Pont-du-Gard, on met en avant les 150 à 200 emplois crées et les recettes fiscales qui pourront être engrangées par une intercommunalité qui a perdu la manne de la centrale thermique EDF d'Aramon, fermée en 2016. 

Promesse d'emplois

"L'implantation d'Amazon est un jackpot économique qui permettra de retrouver une partie des emplois perdus ces dernières décennies", veut croire Sylvie, 47 ans, habitante d'un village voisin qui préfère taire son nom mais a "déjà préparé son CV". 

"L’emplacement, à proximité de l’A9, permet de limiter fortement les impacts environnementaux, agricoles et paysagers sur les villages alentour", affirme de son côté dans une motion de soutien aux élus de Fournès la Communauté de communes sortante.

Au coeur des critiques des opposants, les pratiques de la multinationale de Jeff Bezos, fréquemment accusée par ses opposants d'évasion fiscale, de spéculation foncière, ou de fragiliser les commerces locaux et de favoriser des emplois précaires, mais aussi son impact environnemental: artificialisation des sols, destruction de biodiversité, pollution de l'air, sonore et visuelle. 

Les emplois? "Un mirage", accuse M. Fertil, assurant que la promesse a fondu au fil des mois de 600 à 150 emplois "précaires". 

Impact environnemental

L'impact environnemental? Le projet est "scandaleux", taclaient dans un récent rapport les Amis de la Terre, la confédération des commerçants de France et l'Adere, et il "menace directement les paysages, les sites et le patrimoine, fondements de l’attrait culturel et touristique international du territoire". Une association citoyenne s'interroge même sur la localisation : "Pourquoi artificialiser les terres agricoles de Founès alors qu'une énorme friche industrielle de l'ancien site Arcelor à Laudau-l'Ardoise, est situé à 28 km au nord, en proximité d'Avignon, Nîmes, Orange, des autoroutes A6 et A7, avec un port fluvial, voies ferrées et le TGV ?"

Le projet a provoqué localement de vives discordes entre élus mais aussi entre viticulteurs dans cette zone d'AOC Côtes-du-Rhône et l'inquiétude de certains propriétaires et agents immobiliers concernant une possible perte d'attractivité de la très chic et très chère région d'Uzès, située à une vingtaine de kilomètres du site.  

Conflits d'intérêts possibles

Onze recours ont été déposés contre le permis de construire, a indiqué à l'AFP le tribunal administratif de Nîmes. Une plainte au pénal est également étudiée au tribunal judiciaire de Nîmes concernant de possibles conflits d'intérêt d'élus de Fournès, dont l'ancien et l'actuel édile, sur la vente de terrains. Gérard Tornay, membre de l’Association pour le développement de l’emploi respectueux de l’environnement (ADERE), explique qu'« entre 30 et 40 % du terrain du projet appartient aux deux oncles de madame le maire (Christelle Hinque, ndlr) et son premier-adjoint, Thierry Boudinaud, vend lui aussi un terrain, tout comme le frère d’une élue, Laurence Castan ».

Les promoteurs attendent pour leur part que les recours soient "purgés" pour reprendre les travaux interrompus au stade du "débroussaillage". La construction d'un tel entrepôt prend de 10 à 12 mois. 

De leur côté, la Confédération des Commerçants de France, les Amis de la Terre France et l’association Adere ont demandé au gouvernement "un moratoire immédiat sur l’ensemble des projets d’entrepôt du e-commerce et des zones commerciales en périphérie". 

Les dernières
actualités