Affaire Eric Raoult-Goncourt : toutes les réactions

Marie NDiaye © DR

Affaire Eric Raoult-Goncourt : toutes les réactions

La demande d'application d'un «droit de réserve» aux lauréats du prix Goncourt formulée par le député UMP de Seine-Saint-Denis a fait réagir écrivains, académiciens Goncourt, hommes et femmes politiques.

avec mci Créé le 15.04.2015 à 21h52

La question écrite adressée, lundi 9 novembre, au ministre de la Culture Frédéric Mitterrand par Eric Raoult, qui lui demandait d'appliquer un «devoir de réserve» aux lauréats du prix Goncourt (voir notre actualité du 10 novembre), a suscité de multiples et vives réactions dans les heures qui ont suivi.

Le député UMP de Seine-Saint-Denis s'était insurgé contre des propos qu'il juge «insultants» tenus le 18 août par Marie NDiaye dans une interview au magazine Les Inrocks. Celle qui allait devenir, le 2 novembre, la lauréate 2009 du prix Goncourt avait jugé «monstrueuse» la France de Nicolas Sarkozy, justifiant par là-même son installation à Berlin il y a deux ans.

«Les écrivains qui reçoivent le prix Goncourt ont le droit de dire ce qu'ils veulent, et Eric Raoult, qui est un ami et un homme très estimable, a le droit en tant que citoyen, voire en tant que parlementaire, de dire ce qu'il pense», a seulement déclaré le ministre de la Culture dans une interview à la radio France-Bleue Isère, mardi matin 12 novembre.

«ça me regarde en tant que citoyen, cela ne me concerne pas en tant que ministre»,
a ajouté Frédéric Mitterrand, qui considère qu'il n'a «pas à arbitrer entre une personne privée qui dit ce qu'elle veut dire et un parlementaire qui dit ce qu'il a sur le coeur». Le député UMP ayant adressé au ministre une question écrite, il lui sera répondu «par écrit», a-t-on toutefois indiqué à son ministère.

Lundi, avant le début de la polémique, et «avant d'être informée de l'existence [du texte d'Eric Raoult]» Marie NDiaye avait reconnu sur Europe 1 que ses propos étaient «très excessifs». Mais jeudi 12, l'écrivaine a indiqué qu'elle «persiste et signe». «Il n'est plus nécessaire d'affiner mes propos antérieurs, que je maintiens» a-t-elle précisé au Nouvel Observateur.

«Le devoir de réserve s'applique aux fonctionnaires, je ne suis pas une employée de l'Etat, que ce dernier aurait récompensée»,
a aussi déclaré la lauréate du Goncourt 2009 dans un entretien diffusé le 12 novembre sur France Inter.

Pour sa part, le même jour sur Europe 1, Eric Raoult a légèrement nuancé ses propos, évoquant un «principe de modération», qu'il jugerait finalement mieux adapté que le «devoir de réserve» suggéré dans un premier temps, expression «utilisée pour les préfets».

«Je n'ai jamais eu le souhait d'interdire la liberté d'expression à un prix Goncourt,
a assuré le député de Seine-Saint-Denis. Mais quand on a une liberté d'expression elle est pour tout le monde, même pour les élus proches de Nicolas Sarkozy.»

Cependant, comme le relève Le Parisien-Aujourd'hui dans son édition du 12 novembre, «la proposition du parlementaire a suscité ironie et colère au sein des Goncourt». «Imaginez que ce devoir de réserve se soit appliqué à André Malraux ou à Simone de Beauvoir», s'exclame notamment Bernard Pivot dans les pages du quotidien.?

Eric Raoult «invoque quelque chose qui n'a jamais existé, n'existe pas et, grâce à Dieu, n'existera jamais. Pas plus pour les lauréats du Goncourt que pour ceux du Nobel, auxquels il est arrivé parfois de tenir des propos très engagés. Le discours de Camus, en 1957, avait par exemple fait couler beaucoup d'encre», poursuit l'académicien Goncourt sur Bibliobs. «Les propos que tiennent les lauréats n'engagent qu'eux-mêmes, ils n'engagent en aucun cas l'académie Goncourt et encore moins la France.»

Toujours dans Le Parisien, son collègue à l'académie Goncourt, Didier Decoin, rappelle que «la politique ne siège pas à notre table». Pour sa part, Patrick Rambaud, prix Goncourt 1997, juge que «Monsieur Raoult confond le Goncourt avec miss France, ceinte de son écharpe tricolore».

A gauche, la secrétaire nationale du Parti communiste, Marie-George Buffet, demande à Frédéric Mitterrand de condamner «immédiatement et publiquement les propos odieux du député Raoult et réaffirme le principe de la liberté pleine et entière des créateurs». Réagissant au refus du ministre de la Culture de trancher, Roland Muzeau, porte-parole des députés PCF, a ironisé jeudi sur un «ministère de la censure».

«Le Parti socialiste condamne fermement cette volonté de censurer la parole libre d'une écrivaine», a déclaré pour sa part, jeudi, la première secrétaire du parti socialiste, Martine Aubry, qui demande au député de «présenter ses excuses» à Marie NDiaye.

Un peu plus tôt jeudi, Ségolène Royal a estimé que «dans une démocratie il doit être possible de critiquer le pouvoir en place».

A l'UMP, Dominique Paillé, porte-parole adjoint, a déclaré à l'AFP que «à la censure que j'exècre, je préfère la mesure».

Les dernières
actualités