Son ombre, tenace, aura plané tout au long des deux jours des Rencontres. Cité en contre-exemple, vilipendé pour ses pratiques commerciales agressives et sa politique fiscale douteuse, le géant américain de la vente en ligne y a fait office de nouvelle bête à abattre, endossant le rôle qu’a longtemps joué la Fnac dans le cœur des libraires.
Si le pure-player s’est infiltré jusque dans le discours d’Aurélie Filippetti, qui a notamment dénoncé son comportement « destructeur pour les libraires » et des « conditions de concurrence qui ne sont pas équitables », il a surtout alimenté une passe d’armes musclée entre libraires et diffuseurs présents à la table ronde dédiée aux relations commerciales et à la répartition des marges. Au cœur du débat, les remises supposées excessives accordées par les éditeurs à Amazon et qui permettraient de financer la gratuité des frais de port.
Après s’être fait tirer l’oreille, Bruno Caillet, directeur commercial de Gallimard, a finalement rappelé que son groupe accordait « un maximum de 38 % sur les collections de grande diffusion et 36 % sur la “Pléiade? ». « Et je sais que chez d’autres, la remise est inférieure. »
Un rappel qu’est d’ailleurs venu appuyer Benoît Bougerol, patron de La Maison du livre à Rodez et ancien président du SLF. « Le modèle économique prédateur d’Amazon n’est pas financé par les diffuseurs mais par des banquiers qui acceptent que le site vende à perte parce qu’ils misent sur sa situation monopolistique d’ici à dix ans. »
Une heure plus tard, les subventions octroyées par le conseil régional de Bourgogne pour l’implantation de l’entrepôt d’Amazon à Chalon-sur-Saône s’invitaient à la table des discussions portant sur les politiques publiques. Appelé à se prononcer, Nicolas Georges, chef du Service du livre et de la lecture au ministère de la Culture, a alors affirmé sans ambages qu’à titre personnel il trouvait « scandaleux de donner des subventions à un site qui ne paie pas les impôts qu’il doit ». < C. Ch.
