À l'occasion du prix Renaudot 2023 remis à Ann Scott, Livres Hebdo republie son avant-critique des Insolents, publiée initialement le 27 juillet. 

Fuir, dit-elle. Sont dits insolents ceux qui insultent ou blessent par une audace excessive. Parisienne dans l'âme et dans sa chair, Alex quitte la capitale pour s'installer au fin fond de la Bretagne. À bientôt 46 ans, déçue par ses relations amoureuses, elle a préféré tout quitter plutôt que de se perdre. Où a-t-elle trouvé ce courage, sinon dans cette audace excessive propre aux insolents ? Seule dans cette maison vide, elle est celle « qui crève d'envie de partager sa vie avec quelqu'un mais qui a appris à s'en passer », celle qui doit trouver en elle les ressources nécessaires pour s'inventer une nouvelle vie.

Restés à Paris, Jacques et Margot se sentent tout aussi seuls depuis le départ de leur amie. Pour éloigner ses fantômes, Margot vaporise un peu de laque de sa grand-mère dans son salon. Las de sa relation avec Mathieu, Jacques rêve de s'installer dans la Drôme pour écrire l'histoire de sa mère assassinée. Tandis que le départ de leur amie les renvoie à leurs propres aspirations, Alex croise un jeune homme sur la plage qui, instantanément, a le sentiment qu'elle seule est en mesure de le comprendre. Aucun ne semble savoir sur quel pied danser, à contretemps d'une « époque où tout est éclaté et où plus personne n'est relié à personne ». Roman de l'après-Covid, de la crise du milieu de vie et des espoirs déçus, Les insolents esquisse un portrait subtil et évocateur de personnages dont on se sent immédiatement proches, que l'on aspire ou non à tout envoyer balader.