Littérature française

Bérengère Cournut, « Élise sur les chemins » (Le Tripode) : Filles aquatiques

Bérengère Cournut - Photo DR

Bérengère Cournut, « Élise sur les chemins » (Le Tripode) : Filles aquatiques

Dans un roman en vers libres, Bérengère Cournut prête voix à une fillette qui, sur les avertissements d'une chimère, part chercher ses deux frères. Tirage à 20000 exemplaires.

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Par Véronique Rossignol
Créé le 25.10.2021 à 23h56

Comment ne pas penser, alors qu'il vient de publier son monumental Les formes du visible, à l'anthropologue de la nature Philippe Descola, quand on lit Bérengère Cournut. Depuis son premier roman L'écorcobaliseur paru en 2008, l'auteure explore les liens et les limites entre les humains et les non-humains, s'intéresse aux « ontologies » dirait Descola, aux « manières d'être vivant » dirait le philosophe Baptiste Morizot. Et au naturalisme de la tradition occidentale, l'écrivaine préfère la relation animiste ou totémique au monde, et met en scène dans ses romans initiatiques des filles et des femmes dont la vie et l'imaginaire sont connectés au paysage, aux animaux, aux plantes. Élise, 11 ans, l'héroïne de ce nouvel ouvrage, appartient ainsi à la même famille que la jeune inuite de De pierre et d'os (prix du roman Fnac 2019) ou l'indienne hopie de Née contente à Oraibi.

« Enfant des arbres, fille de l'eau », elle est la quatrième d'une famille de dix enfants. Son père, Le Lion, est une sorte de jardinier anarchiste qui dit « que les seules lois valables/sont celles qui président à la croissance de ses salades ». La fratrie pousse dans une école à ciel ouvert, libres enfants de la colline de la Sommière, en haut de laquelle la mère, Zéline, fait la classe en plein air, où les bancs sont taillés dans des blocs de calcaire et le tableau noir est une plaque d'ardoise. C'est là qu'elle apprend à ses enfants « à déchiffrer/les plantes autant que les livres/les pierres autant que la poésie ». Dans le monde d'Élise habitent aussi des chimères. Et c'est La Vouivre, une créature mi-femme, mi-serpent cachée dans un trou de la rivière qui convainc la fillette, habitée du « désir de caracoler », de partir chercher ses deux frères aînés, Onésime et Élisée, qui ont quitté la maison à 19 et 17 ans pour étudier l'horticulture à la ville. 

C'est cette toute petite créature à la chevelure rousse et à la queue à crécelles qui, par amour ou jalousie, met en garde Élise contre les pouvoirs d'autres génies de l'eau, ses cousines - Mélusine aux ailes de dragon et Ondine la sirène -, et contre les sortilèges des « filles-anguilles électriques » qui électrocutent les garçons avec leur nageoire piquante. Elle qui lui confie une tourmaline pour lutter contre ces autres « filles aquatiques » et sauver ses frères. Conte fantastique librement inspiré de la vie familiale du géographe libertaire Élisée Reclus (1830-1905), Élise sur les chemins, en hybridant le réel et l'onirique, cartographie les territoires frontières, entre la liberté et le risque, l'aventure et le danger, sous la forme d'un récit en vers libres, mi-roman, mi-poème. Une forme chimérique, elle aussi.

Bérengère Cournut
Élise sur les chemins
Le Tripode
Tirage: 20 000 ex.
Prix: 15 € ; 160 p.
ISBN: 9782370552983

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