Entretien

Bibliothèques départementales : les animations avant les collections, selon une étude de "Lecture jeunesse"

Sonia de Leusse-Le Guillou

Bibliothèques départementales : les animations avant les collections, selon une étude de "Lecture jeunesse"

L'association Lecture Jeunesse livre un état des lieux des partenariats entre les bibliothèques départementales et les collèges. Actions les plus populaires, difficultés rencontrées et réponses proposées… Passage en revue avec Sonia de Leusse-Le Guillou, la directrice de l’association spécialisée dans le développement de la lecture des adolescents.

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Par Fanny Guyomard
Créé le 21.12.2021 à 12h15

Quelles sont les réalisations des bibliothèques départementales qui rencontrent le plus de succès dans les collèges ? Et qu’est-ce qui peut bloquer avec l’Education nationale ? Les réponses ont été publiées dans une étude réalisée par l’association Lecture jeunesse, dont la mission est de développer la lecture et l’écriture des adolescents et de former leurs encadrants.

L'échantillon porte sur 45 bibliothèques départementales, qui s’étendent sur un réseau moyen de 158 bibliothèques. Les chiffres ont ensuite été complétés par des entretiens avec des bibliothécaires, des documentalistes ou encore des professeures de lettres. Sonia de Leusse-Le Guillou, directrice de l’association Lecture Jeunesse, livre ses conclusions.

Quelles sont les difficultés auxquelles se confrontent les bibliothèques départementales (BD) quand elles veulent travailler à l’Education nationale ?
La difficulté qui se détache largement, pour 72% des répondants, est le manque de personnel. Et quand les BD se représentent les difficultés des bibliothèques municipales, elles sont 84% à citer le manque de personnel. La deuxième difficulté est le manque de connaissances des rouages de l’Education nationale, mais seulement pour 37% des bibliothèques départementales.

Les collèges ont eux aussi du mal à identifier qui ils pourraient contacter dans la BD…
Il y a un effet de miroir ! La premie?re source de difficulte?s identifie?e du co?te? Education nationale est le manque de connaissance du ro?le de la BD, pour 67% des répondants. C’est ce qui fait que les partenariats reposent moins sur des structures que sur des personnes qui ont un réseau, sur des jeux d’affinités.

Comment y remédier ?
Il faudrait par exemple clarifier l’intitluté des postes, qui peuvent être différents d’une BD à l’autre – un “chargé de l’action culturel” est, ailleurs, “chargé de développement des publics”... Le bibliothécaire peut donc tout simplement préciser, sous son intitulé de poste : “à contacter pour les partenariats avec les publics scolaires”.
Les formations communes aux bibliothécaires et aux enseignants sont également intéressantes. Cela permet de se familiariser avec le jargon de chaque métier, les acronymes (Daac [Délégation académique aux arts et à la culture] et DAC (Direction des affaires culturelles])... Et cela permet de comprendre le fonctionnement de chaque instance, leurs objectfs, leurs contraintes, leurs complémentarités.

Collaborer davantage avec les enseignants peut-elle répondre au sous-effectif pointé par les bibliothécaires ?
Oui, cette mutualisation peut pallier le manque de personnels… mais son organisation demande aussi du temps ! Il faut prévoir des réunions rien que pour s’accorder sur les objectifs communs, et bibliothécaires et enseignants oublient souvent de chiffrer ce moment important dans leur calendrier de partenariat, qu’ils font plutôt commencer au moment où débute l’action.

Mais bibliothécaires et enseignants partagent-ils les mêmes objectifs ?
Toutes les enquêtes que nous avons faites montrent leurs intérêts à monter des partenariats avec l’Education nationale [et 63% des répondants disent que leur action auprès des collèges devrait être “une mission prioritaire pour les BD”]. Mais il faut les faire sortir de l’opposition caduque entre la lecture scolaire, imposée par les profs, et la lecture plaisir en bibliothèque. Ça n'a pas de sens. Même la notion de “lecture plaisir” est contre-productive, car on lit pour découvrir quelque chose, satisfaire une curiosité, trouver une information, et le plaisir vient parce qu’on a découvert quelque chose, satisfait sa curiosité etc. Mais l’injonction à lire pour le plaisir ne peut pas fonctionner. Encore moins l’injonction à lire de la fiction : une personne peut très bien préférer la lecture d’un manuel !

Les ados sont-ils particulièrement difficile à cerner ? 
Ce n’est pas un point saillant de l’enquête. Je précise que 64% des BD qui ont répondu mènent directement des actions au sein des collèges. L’appréhension est plutôt mentionnée pour les bibliothécaires municipaux, qui accueillent directement les publics. Les adolescents sont un public complexe, difficile à capter, dont on ne connaît pas toujours les codes, qui vient en groupe… et qui est moins gratifiant que les enfants.

Quels sont les partenariats entre BD et collèges qui fonctionnent bien ?
Ce qui ne soulève pas de difficultés majeures, c’est le lien entre les BD et les réseaux de bibliothèques. avoir une organisation qui fonctionne n’est pourtant pas si évident.
Une deuxième chose qui rencontre du succès : les rencontres d’auteur. Ce sont les actions les plus courantes, organisées par 79% des répondants. Viennent ensuite les expositions thématiques, et seulement après le prêt de documents ! C’est intéressant : les BD organisent et soutiennent des animations, avant même de faire vivre des collections.

Est-ce une manière pour les BD de participer à la “mouvance” du tiers-lieu ?
Il y a peu de BD où le public peut se rendre. Son rôle est donc de rendre possible ces actions, en prêtant par exemple du matériel, du mobilier. On a l’exemple d’un CDI qui a sollicité sa BD pour devenir un tiers-lieu, avec des jeux, des banquettes, des poufs, un présentoir… Pour 20 000 euros de matériel.

Un tiers des BD ne participent jamais aux grandes manifestations jeunesse nationales comme Le Printemps des Poètes, La Nuit de la lecture, La semaine de la presse… Pourquoi ?
C’est irrégulier selon les lieux. Je pense que les actions nationales enclenchent des dynamiques, mais ce qui compte est le niveau local. La particulité des BD est de s’adapter à leurs réseaux de bibliothèques, aux territoires à un niveau très local.

Des exemples de partenariats originaux ?
Le plus original est la médiathèque-CDI, dont une porte donne sur l’école. On la ferme quand la porte qui donne sur l’extérieur s’ouvre aux autres publics. C’est un lieu familier que les jeunes retrouvent, pour le travail ou un moment convivial.
Un autre projet est de charger les ados de transporter les livres d’un établissement à l’autre. Ils ne sont pas uniquement “consommateurs” de la bibliothèque, mais ambassadeurs.
 

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