Incarnées pendant 33 ans par Jean-Daniel Belfond, les éditions de l’Archipel entament une nouvelle période de leur histoire. Après le départ du fondateur en juillet 2024, la maison, entrée en 2019 dans le giron d’Editis, a été gérée en intérim pendant six mois par Marie-Christine Conchon, directrice générale adjointe du 2e groupe d’édition français. Depuis janvier dernier, c’est Marguerite Mignon-Quibel, ancienne directrice commerciale et du développement des Escales – autre maison du groupe Editis –, qui en assure la direction générale. L’occasion de dresser un premier bilan et d’évoquer les projets de l’Archipel, avec à la clé un effort de clarification du catalogue autour de ses fondamentaux et une nette réduction de la production.
Livres Hebdo : Vous avez pris la direction de l’Archipel depuis un peu plus de six mois. Quels sont vos objectifs pour la maison ?
Marguerite Mignon-Quibel : J’aimerais donner plus de lisibilité au catalogue de l’Archipel qui, comme son nom l’indique, aborde une grande variété de domaines. Aujourd’hui, l’Archipel, ce sont quatre univers qui fonctionnent quasiment comme autant de maisons indépendantes : la fiction populaire, le suspense, les classiques et la non-fiction. Cette particularité est certes un atout, mais elle brouille aussi un peu le message que nous adressons au lectorat. L’objectif à court et moyen terme est donc d’améliorer la visibilité et la clarté de ce que nous faisons, tout en restant très généraliste et éclectique.
Comment allez-vous procéder ?
Chacun de nos quatre univers a toujours été un vecteur de succès avec des auteurs récurrents. Nous allons donc continuer à les mettre en avant, mais en ciblant davantage notre communication. Olivia Castillon se charge désormais des relations presse de nos titres en suspense tandis que l’agence Trames s’occupe des classiques. Marion Lécuyer de son côté défend désormais la fiction populaire et la non-fiction, ce dernier segment étant lui-même divisé en deux sous-catégories : les biographies de la culture populaire et les documents/témoignages qui disent comment faire société aujourd’hui.
« Nous descendrons entre 90 et 100 nouveautés par an en 2026 »
Vous souhaitez également réduire le nombre d’ouvrages publiés…
Je viens d’une maison, Les Escales, qui publiait 20 titres par an et où il est important de bien accompagner chaque auteur. Le chantier de la réduction de la production, dont je suis convaincue qu’il va dans le sens de l’histoire, avait déjà été initié avant mon arrivée ; cela m’a permis d’aller tout de suite dans le concret. L’Archipel publiait jusqu’à présent autour de 180 nouveautés par an, dont 60 % de grands formats et 40 % de poches sous notre marque Archipoche. En 2025 nous réduisons déjà à 115 parutions et nous descendrons entre 90 et 100 l’année suivante. On n’est plus dans le vœu pieux, mais bien dans le concret.
L’Archipel produisait trop ?
Comme beaucoup d’éditeurs, l’Archipel produisait beaucoup, à la fois pour accompagner ses auteurs fidèles et récurrents, mais aussi pour faire des paris et tester de nouveaux champs comme en 2024 avec la création du label de romance New Rules, dont le catalogue a depuis rejoint Chatterley (la maison 100 % romance créée par Editis en 2023, ndlr).
Où les arbitrages s’effectueront-ils pour réduire la production ?
Même s’il y a des exceptions, nous arrêtons dans un premier temps de publier tous les livres qui n’entrent pas pleinement dans l’un de nos quatre univers (suspense, classique, fiction populaire et non-fiction). Cela représente déjà une réduction de 30 % des nouveautés. Pour la suite, nous rationalisons au cas par cas. Nous continuons bien sûr à publier nos autrices de sagas romanesques très installées (Tamara McKinley, Sarah Lark, Anna Jacobs…), nos têtes d’affiche en suspense (Douglas Preston, Lincoln Child…) ou encore les Lupin en poche. En classique, le gros sujet du début de l’année a été le lancement de la collection « Le Domaine » au sein d’Archipoche, où nous publions des auteurs qui répondent à la règle des « trois i » : inattendu, introuvable et inédit, et que nous allons continuer à déployer.
« Notre objectif est de renforcer notre présence dans le second niveau, de montrer aux libraires indépendants qu’ils peuvent associer une partie de notre catalogue à ce que leurs lecteurs attendent »
À quelles autres évolutions faut-il s’attendre ?
Nous travaillons à une évolution visuelle de nos romans de suspense en 2026. Je ne suis pas une inconditionnelle des chartes graphiques à tout prix, mais il est parfois nécessaire dans certains univers d’être identifiable immédiatement pour accrocher le lecteur, c’est notamment le cas en suspense. À l’inverse de la fiction populaire où il est important que chaque auteur dispose de son propre univers.
Quels sont vos objectifs en termes de diffusion ?
Aujourd’hui la GSS représente environ un tiers de nos ventes, devant les librairies de premier niveau. Notre objectif est de renforcer notre présence dans le second niveau, de montrer aux libraires indépendants qu’ils peuvent associer une partie de notre catalogue à ce que leurs lecteurs attendent. En octobre, nous publions par exemple Le royaume de Savannah de George Dawes Green, roman américain que l’on pourrait trouver chez les meilleurs éditeurs de littérature étrangère contemporaine.
« L’émergence de phénomènes de librairie comme le polar très grand public a aussi la vertu d’amener de nouveaux lecteurs en librairie »
Le marché du livre a reculé en 2024, à l’exception notable de la littérature…
Il reste néanmoins en évolution positive par rapport à 2019, dernière année de référence avant la crise du Covid. L’émergence de phénomènes de librairie comme le polar très grand public avec La femme de ménage a aussi la vertu d’amener de nouveaux lecteurs en librairie. Je reste persuadée que dans le public de ces auteurs « phénomène » se trouvent des lecteurs qui n’auraient pas acheté d’autres livres mais qu’on peut en revanche aller chercher avec de nouveaux titres.
Quels seront vos temps forts du second semestre ?
Nous publions la biographie d’Orson Welles, par Anca Visdei, lauréate du Goncourt de la biographie cette année, mais aussi celle des Inconnus ! En fiction populaire, nous croyons beaucoup au roman de Mitch Albom Le Petit menteur, qui a pour sujet la déportation des juifs de Thessalonique ; enfin, une nouvelle salve de textes inattendus viendra compléter notre collection « Le Domaine ».
L’Archipel en bref