« C’était le plus féroce des batailliens, ses livres sont parmi les plus violents qui existent. Ce qui le rendait parfaitement infréquentable », soupire le poète universitaire Emmanuel Rubio, confiant son admiration pour Claude Louis-Combet. Couronné non pas d’épines mais du Grand prix de la Société des gens des lettres en 2022, l'écrivain est mort dans la nuit du lundi 24 novembre.
Entremêlant l’incandescence du sacré et l’indécence du profane, notre obscurantisme et nos lumières, Le Bisontin né à Lyon, et qui s’est détourné de la prêtrise à 20 ans, a penché très tôt pour une vie, non pas mauvaise mais maudite s’il en est, d’écrivain, de traducteur (notamment d’Anaïs Nin) et d’éditeur – aux éditions Jérôme Millon où il s’intéressait aussi bien aux martyrs chrétiens qu’à la démonologie.
Écrivain prolifique
Sa collègue et néanmoins amie depuis 1986, date de création de la collection « Atopiale » qu’il dirigeait, Marie-Claude Carrara, nous raconte son enthousiasme pour les grandes mystiques comme Marie-Madeleine ou Louise Du Néant, « bien qu’il ne fût pas religieux, il adorait leurs langues, débordantes d’amour et de passion ».
Écrivain prolifique, on trouve la plupart de ses titres aux Lettres vives, chez Fata Morgana et chez José Corti, où il fut le premier à être publié en poche (sacrilège au sein de la maison de Julien Gracq dont les livres sont restés non massicotés pendant des décennies).
Bertrand Fillaudeau, longtemps à la tête de la maison, nous raconte : « Claude Louis-Combet avait publié ses premières fictions dans la collection “Textes” dont Paul Otchakovsky-Laurens s’occupait chez Flammarion, qui ne souhaitait plus continuer à l’éditer. Cherchant une maison qui l’accueillerait, il confia à José Corti, pour la collection “En lisant en écrivant” qui venait d’être créée, un premier essai en 1990, Le péché d’écriture puis, tout naturellement, en 1993, un premier recueil de nouvelles, Augias et autres infamies, après quoi Corti s’attacha à défendre aussi bien son œuvre romanesque ou poétique que ses essais (20 titres au total). »
Irrévérencieuse acuité
Comme Marie-Claude Carrara, Bertrand Fillaudeau loue ses talents culinaires : « Parmi les très beaux souvenirs que Fabienne Raphoz et moi garderons de lui et de Mireille, sa compagne, je repense à nos nombreuses agapes à Paris ou à Besançon. C’était tout autant un grand cuisinier qu’un homme de conversation. »
Claude Louis-Combet semblait déchirer l’époque, notamment par sa discrétion radicale en dépit de l’irrévérencieuse acuité de ses textes les plus lus tels que Blesse, ronce noire, ledit poche chez Corti, où il se figure la relation incestueuse entre le poète russe Georg Trakl et sa sœur.
Il est peut-être le premier à avoir avancé le terme mythobiographie, contre sans doute la non moins mythomane autofiction, « et il s’y est violemment épanoui », nous rappelle Emmanuel Rubio.
L'opium de la lecture
Rappelons ses mots, tel que le fit le jour de sa disparition le titre bisontin Ma Commune, comme un rappel à ce qu’il a fini par fuir : « Sachant que, liés les uns aux autres par les puissances d’amour du souffle et de la salive, les mots ont une chance de tenir contre toute tentation de rupture. »
Ou encore ceux-ci, adressés à ses collègues et amis des éditions Jérôme Millon en juin 2024, avant de leur envoyer, tout de même, sa préface à l’ouvrage de Lucrèce Luciani, La Femme changée en Bibliothèque. Histoire vraie de sainte Wiborade : « Je n'ai plus l'exutoire de l'écriture pour me permettre de tenir bon… Il reste heureusement la lecture qui fait office d'un "opium". Mais je n'en retire pas le sentiment de plénitude comparable à celui de la création. À cela s'ajoute la perspective sinistre des prochaines élections. Il y aurait de quoi jouer les Œdipe et se crever les yeux. Il reste l'amitié, qui aide à respirer. »
