7 janvier > roman Etats-Unis

Quiet Dell, en Virginie-Occidentale, 1931. Comme son nom l’indique, ce bourg américain respire la quiétude, mais elle fait place à l’hébétude lorsqu’on y découvre les corps inanimés d’une femme et de ses trois enfants. Un drame auréolé de mystère. De Truman Capote à Emmanuel Carrère, les faits divers ont toujours inspiré les écrivains. Mais contrairement à ces pointures, Jayne Anne Phillips, une plume repérée dès ses débuts par Nadine Gordimer, et dont plusieurs nouvelles et fictions ont déjà été publiées en France, s’empare d’un événement pour en faire un livre extrêmement romancé.

L’auteure confie que c’est sa propre mère qui lui a parlé de l’histoire véridique d’Asta Eicher. Après la mort accidentelle de son mari, cette mère de trois enfants supporte mal son veuvage. A son âge (45 ans), elle craint de devoir renoncer à son train de vie et à la passion. Une vulnérabilité que perçoit Cornelius Pierson. Qui peut imaginer qu’une petite annonce, en quête d’une love story, puisse renfermer un piège mortel ? Ce parfait gentleman fortuné "a su utiliser toutes ses déceptions et tous ses espoirs". Redoutable, le tueur en série multiplie les identités pour brouiller les pistes. C’est sans compter sur Emily, journaliste émancipée du Chicago Tribune. Elle s’implique corps et âme dans l’enquête, à l’instar de l’auteure qui récolte la documentation pour stimuler son imagination. "Nous allons trouver qui il est vraiment. Certains n’ont d’humain que l’apparence." Quels sont les souterrains de l’assassin ? "Il veut les faire souffrir. Schaamte [honte] !" Ponctuée de détails nauséabonds, l’horreur prend toute son ampleur avec la voix d’Annabel, fillette massacrée sans pitié. C’est avec douceur que cette petite fée veut semer des indices. L’écriture de J. A. Phillips jongle entre le classicisme des sœurs Brontë et La nuit du chasseur, qui s’inspire des mêmes faits. Plus on avance dans le récit, plus on approche la réalité via des coupures de presse, des extraits de lettres et du procès, ou des photos des victimes et de leur bourreau.

Cette tragédie traite aussi de thèmes actuels : la soif d’amour, le désir de célébrité et la dualité d’une foule, prise entre la fascination et la répulsion pour les tueurs en série. Pourquoi un être se transforme-t-il en meurtrier ? Même si on trouve des germes dans l’enfance, on reste face à une énigme. "Nous ne connaîtrons jamais le mot de la fin." Kerenn Elkaïm

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