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Dessins de Van Gogh : Le Seuil conteste l'avis du musée

Pins dans le jardin de l’asile à Saint-Rémy II. - Photo Seuil/Collection particulière

Dessins de Van Gogh : Le Seuil conteste l'avis du musée

Le musée néerlandais dédié au célèbre peintre impressionniste juge que les dessins publiés par Le Seuil sont des faux. L'éditeur répond et propose un débat public entre experts.

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Par Hervé Hugueny
Créé le 18.11.2016 à 16h56

Pour le groupe La Martinière, Vincent Van Gogh Le brouillard d'Arles Carnet retrouvé est un des enjeux de la fin de l'année: à 70000 exemplaires, dont les deux tiers directement publiés par le Seuil, Abrams et Knesebeck, ses filiales française, américaine et allemande, le chiffre d'affaires attendu sur ce premier tirage de la reproduction de dessins du célèbre peintre avoisine les 2,5 millions d'euros, compte tenu du prix de vente, des frais de diffusion-distribution, et des premières ventes de droits.
 
Annoncé en juin dernier, le lancement de ce projet préparé depuis plus d'un an s'est trouvé sévèrement perturbé par un communiqué du musée Van Gogh d'Amsterdam, qui conteste l'authenticité des 65 dessins reproduits. "Ces dessins sont des imitations de l'œuvre de Van Gogh, et ce carnet soulève de nombreuses interrogations" affirme le musée, dans son texte publié le 15 novembre, le jour même de la conférence de presse organisée à Paris.
 
"Pour mettre un terme à cette polémique, nous proposons au Musée Van Gogh d’organiser conjointement, dans un délai raisonnable, un débat public entre experts. Ce sera aussi l’occasion de faire toute la lumière sur les conditions dans lesquelles le Musée Van Gogh prétend exercer, de fait, un monopole d’attribution" répond Le Seuil dans un communiqué daté du 17 novembre.
 
Le teasing

Organisée dans le beau bâtiment de l'académie d'architecture, place des Vosges dans le Marais à Paris, la conférence précédée d'un teasing a fait le plein des médias français et étrangers. Plusieurs titres de presse (dont Livres Hebdo) ou de radios et télévisions avaient obtenu des informations sous un très strict embargo, de façon à pouvoir anticiper l'événement.
 
Bernard Comment, directeur de la collection "Fiction et Cie" au Seuil et éditeur de l'ouvrage, Bogomila Welsh-Ovcharov, l'experte qui a signé sa présentation, et Franck Baille, représentant de la famille propriétaire du carnet et cofondateur d'une maison de vente aux enchères à Monte Carlo ont tout trois exprimé en des termes forts le choc esthétique qu'avait constitué le premier contact avec ces dessins. Mais ils ont dû faire face à des questions devenues soupçonneuses au fur et à mesure que se répandait le contenu du communiqué du musée Van Gogh.

Le mépris
 
L'institution était bien avertie de l'existence de ce carnet, ayant été sollicitée à trois reprises pour l'authentifier, selon son communiqué et les déclarations de Bogomila Welsch-Ovcharov: une toute première fois en 2008 à partir de quelques photos, puis en 2012 avec un jeu de reproduction de haute définition de 56 des 65 dessins, et en 2013 avec un lot de dix originaux présentés par l'experte. "Je n'ai reçu absolument aucune réponse, un silence complet" s'est-elle indignée lors de la conférence de presse, outrée de ce mépris et de l'absence d'échange autour des arguments qu'elle avance pour dire l'authenticité de ce carnet. Apparemment, ils n'étaient pas suffisants aux yeux des experts du musée, qui ont jugé inutile d'entreprendre un examen plus poussé des dessins eux-mêmes, leur religion étant établie à partir des reproductions qu'ils avaient étudiées auparavant.
 
Approché au printemps 2015, Bernard Comment (qui n'a pu être joint, étant aux Etats-Unis pour la présentation de l'ouvrage) a souligné que le musée s'était déjà trompé, rejetant par exemple une version des Tournesols, qu'il a reconnue comme authentique quelques années plus tard. Au-delà de l'analyse artistique des dessins et de la reconstitution de l'histoire de ce carnet, qui aurait été donnée à la famille propriétaire du Café de la gare à Arles, que fréquentait Van Gogh lors de son séjour en Provence entre 1888 et 1890, l'éditeur a assuré s'être entouré de toutes les expertises techniques sur la provenance du papier et de l'encre utilisée.

Dans le brouillard
 
"Modeste et simple, sans sensibilité dans le domaine de l'art", selon Franck Baille, la famille propriétaire du carnet souhaite préserver son anonymat, mais a néanmoins tenu à ce qu'il soit enfin révélé au monde, avant une éventuelle exposition. Le titre du fac-similé du carnet vient du nom du support sur lequel se trouvent ces dessins, un "brouillard" désignant un cahier sur lequel sont annotées les opérations quotidiennes d'une entreprise, en l'occurrence le Café de la gare, que Van Gogh aurait récupéré.
 
Bernard Comment avait réédité en 2014 une biographie du peintre par Viviane Forrester. En 2010, il avait connu un grand succès éditorial avec la publication dans le monde entier de Fragments, des écrits autobiographiques de Marylin Monroe, jusqu'alors inconnus et confiés par la famille qui gère l'héritage des biens de l'actrice.

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