Dossier

Dossier Concours administratifs : après l'emballement

OLIVIER DION

Dossier Concours administratifs : après l'emballement

En progression pendant plusieurs années, où les piliers du secteur ont vu arriver de nouveaux concurrents, le marché des concours a marqué le pas en 2011, affaibli par la diminution du nombre de postes offerts. Prudents, les éditeurs privilégient les mises à jour et les nouvelles éditions sur la multiplication des nouveautés.

J’achète l’article 4.5 €

Par Véronique Heurtematte
Créé le 23.02.2015 à 17h06 ,
Mis à jour le 18.03.2015 à 12h48

Le marché des concours administratifs appartenait jusqu'à 2010 au club resserré des quelques domaines de l'édition qui affichaient une belle santé. Mais l'an dernier, il s'est orienté à la baisse pour la première fois depuis de nombreuses années. L'absence, en 2011, de quelques gros concours comme celui de rédacteur territorial ainsi que la diminution globale du nombre de postes offerts dans les différentes fonctions publiques sont les principales raisons invoquées pour expliquer ce repli. La réorganisation des épreuves a également contribué à faire fondre les ventes de certains ouvrages jusque-là lucratifs comme ceux pour la préparation aux QCM, aujourd'hui moins fréquents dans les concours. Les éditeurs espèrent cependant que cette baisse sera conjoncturelle et que le marché repartira à la hausse en 2012 et 2013, à la faveur d'un calendrier des concours plus favorable.

"Nous allons continuer à suivre les concours qui vont bouger en 2012, et effectuer une actualisation régulière de notre fonds." PATRICK GONIDOU, NATHAN- Photo OLIVIER DION

Le contexte tendu profite >en tout cas aux éditeurs historiques du secteur, qui se taillent la part du lion. Foucher, Vuibert et Nathan totalisent près de 55 % des parts du marché. Les éditeurs plus récemment arrivés éprouvent davantage de difficultés à s'implanter et obtiennent des résultats divers. Pour tous, la prudence est de mise. Après l'emballement de l'activité éditoriale au cours des années précédentes, avec les risques de saturation du marché que cela entraîne, chacun gère aujourd'hui son catalogue en favorisant les mises à jour et en limitant le nombre de nouveautés. Vuibert continue de décliner sa collection "Admis" selon trois points (fonction publique, paramédical et enseignement), mais en privilégiant les nouvelles éditions. C'est aussi le cas de La Documentation française, qui a prévu cette année quatre nouveautés et six nouvelles éditions, tout en se réjouissant de bons résultats en 2011. "On constate toujours la même complémentarité entre nos deux collections, les ouvrages complets de "Fac" et les petits formats de "Mémo", se félicite l'éditrice Claire-Marie Butin. Nos meilleurs titres se vendent mieux en grand format qu'en collection de poche."

"Beaucoup de titres ont été publiés sur les métiers techniques et les carrières de sécurité. Or il n'y a pas tant de candidats que cela et, aujourd'hui, le marché est saturé." JULIE PELPEL-MOULIAN, HACHETTE- Photo OLIVIER DION

Du coup, La Documentation française a prévu cette année de traiter dans sa collection en grand format "Fac", deux sujets jusque-là abordés uniquement dans la collection de synthèse : RAEP (Reconnaissance des acquis de l'expérience) et Manuel de gestion des ressources humaines. Chez Nathan aussi, on se concentre sur les mises à jour des titres de la collection "Intégrer la fonction publique", avec de nouvelles éditions de Concours de sous-officier de la gendarmerie, Attaché territorial, Adjoint administratif territorial et Adjoint administratif d'Etat. "En 2011, il y a eu des modifications très lourdes. Nous allons continuer à suivre les concours qui vont bouger en 2012, et effectuer une actualisation régulière de notre fonds", indique Patrick Gonidou, directeur éditorial sciences et concours chez Nathan. L'éditeur a néanmoins inauguré en 2011 une sous-collection d'annales corrigées qu'il entend poursuivre.

"La transition est difficile pour tout le monde, éditeurs et universitaires." STÉPHANE BUREAU, ARMAND COLIN- Photo OLIVIER DION

SÉCURITÉ, ENFANCE ET SOCIAL

Avec environ 90 000 postes en 2011, toutes fonctions publiques confondues, l'administration reste le plus important recruteur de France. Certains métiers, notamment ceux de la sécurité (gardien de la paix, gendarme), restent dynamiques en termes d'embauche. Chez Foucher, Gardien de la paix a été le best-seller de la maison l'an dernier. Autre secteur en développement, celui du social. Le concours d'agent social territorial, par exemple, attire environ 5 000 candidats et devrait prendre encore plus d'importance dans les années à venir. Des réformes continuent également de stimuler l'activité éditoriale. La fusion entre les administrations des Impôts et du Trésor a ainsi conduit à la création du concours de contrôleur des finances publiques, qui devrait attirer 15 000 candidats. Foucher et Vuibert publient chacun un livre de préparation à ce concours. La création d'un concours interne et la modification des épreuves du concours d'agent territorial spécialisé des écoles maternelles (ATSEM) ont donné lieu à plusieurs titres au premier semestre 2011 chez Vuibert (ATSEM/ASEM : épreuves écrites et orales et ATSEM/ASEM : sujets inédits corrigés) et à deux nouvelles éditions au début de cette année chez Foucher (ATSEM/ASEM : nouveau concours 2012 et ATSEM/ASEM : sujets inédits corrigés).

"Nous organisons les connaissances en fonction d'un public spécifique et en pensant que certains candidats travaillent seuls." YVES MANHÈS, BELIN- Photo OLIVIER DION

Les oraux ont pris une importance grandissante, avec notamment une nouvelle épreuve de reconnaissance des acquis de l'expérience (RAEP), qui consiste en l'élaboration d'un dossier présenté au jury lors d'un entretien. Foucher prévoit un Réussir la RAEP en février, et Bréal un titre sur le même sujet au premier semestre. Les stratégies éditoriales restent complexes à déterminer. "Beaucoup de titres ont été publiés sur les métiers techniques et sur les carrières de la sécurité. Or il n'y a pas tant de candidats que cela et, aujourd'hui, le marché est saturé", constate Julie Pelpel-Moulian, éditrice chez Hachette, qui maintient sa production à une quinzaine de nouveautés et nouvelles éditions par an. Dès lors, si l'essentiel de la production se concentre sur les plus gros concours, aller sur des marchés de niche reste une option pour quelques éditeurs. Gualino développe depuis 2010 une collection sobrement intitulée "Territoriale", destinée aux concours de la fonction publique territoriale. Ses publications du premier trimestre couvrent de grands classiques comme Adjoint administratif territorial ou Réussir le concours d'attaché territorial, mais concernent aussi des concours plus confidentiels, comme Educateur de jeunes enfants ou Assistant spécialisé des écoles maternelles.

PARAMÉDICAL EN RETRAIT, ENSEIGNEMENT À LA PEINE

Le paramédical, lui, jusqu'alors le plus actif parmi les concours, a enregistré une légère baisse en 2011. Chez Studyrama, ce segment représente 50 % du chiffre d'affaires, et l'éditeur entend le développer encore en allant notamment sur des domaines de niche comme orthophoniste, ergothérapeute ou kinésithérapeute. "Ces concours sont très sélectifs et les candidats même à fort niveau d'études sont très acheteurs car ce sont des concours difficiles avec un haut niveau d'exigence », avance Frédéric Vignaux. Foucher, satisfait de ses résultats 2011, a prévu de nouvelles éditions et compte systématiser l'annualisation de ses titres. "On a beaucoup publié les années passées. 2012 sera une période de stabilisation", prévient Olivier Jaoui. Ophrys est présent avec quelques titres de sa collection "6 jours pour réussir" (Tests d'aptitude : concours infirmier et Tests psychotechniques : concours auxiliaire de puériculture), tandis que Nathan a prévu plusieurs mises à jour dans sa collection "Intégrer les écoles paramédicales".

Parallèlement, la réforme longtemps attendue des concours de l'enseignement est enfin opérationnelle depuis 2010. Mais malgré une reprise, avec 19 000 candidats au concours de recrutement de professeur des écoles en 2011 contre 53 000 en 2007, les effectifs des candidats restent inférieurs à ce qui était attendu. La perte d'attractivité des métiers de l'enseignement, la confusion entraînée par une réforme qui a tardé à se mettre en place pourraient expliquer cette baisse. Les publications se font en tout cas plus rares sur ce segment. Foucher (Réussir le CLES 2 : anglais), comme Vuibert (Tout pour réussir le CLES 2 : anglais), a prévu un ouvrage de préparation au certificat de compétences en langues de l'enseignement supérieur, une nouvelle épreuve à passer pour les lauréats des concours de l'enseignement. Armand Colin, qui occupe une forte position sur ce segment, a publié trois ouvrages à l'été 2011 pour aider les candidats à mieux comprendre les nouvelles épreuves. "La transition est difficile pour tout le monde, éditeurs et universitaires", reconnaît Stéphane Bureau, responsable éditorial. Ophrys est présent avec Traduction et analyse linguistique : Capes d'anglais.

CHACUN SON CRÉNEAU

Si plus de la moitié du marché est contrôlée par trois éditeurs, la discipline attire depuis plusieurs années de nouveaux acteurs. Les éditeurs universitaires, en particulier, pour qui les concours constituent un développement logique, sont nombreux à proposer une offre. Ils abordent le marché avec des ouvrages couvrant leurs champs d'expertise, et visent généralement les concours de catégorie A. Ophrys, arrivé en 2011 sur ce créneau, propose principalement des titres d'économie et de géopolitique ainsi que des ouvrages pour les oraux de langue, la note de synthèse (parmi les titres prévus : L'épreuve orale d'anglais aux concours administratifs, Les nouvelles guerres économiques), complétés par des petits ouvrages synthétiques dans la collection "6 jours pour réussir".

De son côté, Armand Colin reste présent avec des ouvrages transversaux. Les Puf préparent pour le premier semestre 2012, dans la série service public de leur collection "Major", des nouvelles éditions de Droit des collectivités territoriales et Précis de droit pénal et de procédure pénale. Cette série comprend également des dictionnaires, une forme assez rare en matière de concours, avec le Dictionnaire de la politiqueet de l'administration ou le Dictionnaire de la police et de la justice. « Ce sont des outils de travail complémentaires des manuels ou des cours, estime Pascal Gauchon, directeur de la collection. Le dictionnaire correspond bien à la manière d'acquérir les connaissances des étudiants d'aujourd'hui, plus éclatée que linéaire. Il offre une façon intelligente de préparer une dissertation car il donne des définitions approfondies autour d'un thème. »

Chez Dunod, qui constitue une offre depuis 2009, Eric d'Engenières définit sa stratégie éditoriale comme "une approche prudente avec des ouvrages polyvalents pouvant servir à plusieurs concours. C'est un moyen d'élargir notre champ d'action en direction d'un public que l'on connaît bien, celui des classes préparatoires". Belin compte renforcer sa position en s'appuyant sur son expérience en parascolaire. "Nous réfléchissons à la manière d'apporter encore plus de services à nos lecteurs, explique Yves Manhès, directeur éditorial en sciences humaines. La maquette est capitale pour aider le lecteur à se repérer facilement parmi des informations complexes et de nature différente. Nous organisons les connaissances en fonction d'un public spécifique et en pensant que certains candidats travaillent seuls." L'éditeur a prévu trois titres en septembre : ATSEM/ASTEM, Gardien de la paix et Surveillants de l'administration pénitentiaire.

Studyrama est l'un des rares éditeurs récemment implantés à mener une politique franchement conquérante. "Notre objectif est d'augmenter notre chiffre d'affaires, annonce clairement le directeur des éditions, Frédéric Vignaux. Nous avons réussi à pénétrer le marché et nous avons doublé le nombre d'exemplaires vendus l'année dernière. Nous nous appuyons sur notre forte présence dans le monde étudiant." L'éditeur, qui prévoit une vingtaine de nouveautés et de nouvelles éditions en 2012, déploie son offre sur les trois principales gammes de la spécialité : les tout-en-un, les annales et les ouvrages de révision synthétiques.

REVOIR LE TIMING

Plus que jamais, pour tous les éditeurs, leaders de longue date ou acteurs plus ponctuels, le travail de veille et la réactivité sont des paramètres essentiels sur ce domaine. Le concours de gendarme ayant été avancé d'avril à février 2012, les éditeurs (Nathan, Foucher) ont dû décaler de plusieurs semaines la date de parution initiale de leurs ouvrages respectifs. "C'est important d'avoir un bon réseau d'auteurs pour être bien informé, souligne Patrick Gonidou chez Nathan. N'avoir qu'une seule collection nous permet d'être très réactifs." Les éditeurs mènent également une politique de millésime de plus en plus systématique. C'est le cas à La Documentation française ou encore chez Foucher. "C'est plus valorisant pour le libraire et pour nous-mêmes, explique Olivier Jaoui, directeur général de Foucher. Il faut en revanche bien estimer le nombre d'exemplaires à faire paraître pour limiter le pilon."

Le travail avec les libraires se révèle également essentiel. Foucher organise des opérations tout au long de l'année pour attirer les étudiants dans les librairies. L'éditeur propose en janvier une prime à l'achat : le guide des candidats au concours d'IFSI pour deux ouvrages achetés. Vuibert réalise depuis deux ans un fascicule d'information sur les concours à destination des libraires et des candidats, et fournit aux libraires un tableau récapitulatif des concours, de même qu'un calendrier par trimestres. "Nous essayons d'apporter aux libraires le maximum d'information et d'outils pratiques, et nous allons encore renforcer cette proximité", annonce François Cohen, directeur de Vuibert. Une collaboration nécessaire, car les logiques des libraires et celles des éditeurs ne sont pas toujours les mêmes. "Les diffuseurs veulent mettre les ouvrages en place un mois avant le concours. Or les candidats, surtout pour les catégories C, se préparent très longtemps à l'avance, relève Frédéric Vignaux chez Studyrama. Il faudrait revoir le timing."

LE NUMÉRIQUE À PETITS PAS

L'offre numérique évolue lentement dans le domaine des concours. Chez Hachette, qui propose tous ses titres en format électronique depuis deux ans, on reconnaît que les ventes restent modestes. Les ressources numériques proposées par l'éditeur en complément de ses ouvrages papier sont en revanche bien utilisées. Vuibert a élargi l'année dernière à la fonction publique son site consacré dans un premier temps au paramédical et à l'enseignement, et qui offre de nombreuses informations en ligne (QCM, données pratiques). Nathan réfléchit à une offre complémentaire pour sa collection "Intégrer la fonction publique". "Jusqu'à maintenant, le marché est en librairie. Celle-ci gardera sa place car les candidats ont besoin des conseils fiables d'un professionnel, estime Patrick Gonidou chez Nathan. Mais il faut prendre en compte les habitudes de lecture qui vont évoluer." Armand Colin a quant à lui obtenu un beau succès avec ses quiz gratuits pour smartphones (50 000 téléchargements) et pense poursuivre l'expérience, peut-être avec une offre payante. Pour Stéphane Bureau, chez Armand Colin, "que ce soit avec une offre gratuite ou une offre payante, c'est excellent pour notre visibilité et le rajeunissement de l'image de notre marque".

DES RECRUTEMENTS EN BAISSE

Dans la fonction publique territoriale, pour 2011, les intentions de recrutement se sont inscrites en baisse de 1,7 % par rapport à celles de 2010. Plus d'un tiers des moyennes et grandes collectivités n'ont pas remplacé la totalité des départs définitifs qu'elles ont enregistrés. Certaines ont supprimé des postes ou différé des recrutements, selon la note sur les tendances de l'emploi territorial publiée en mars 2011 par le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT). Six grands secteurs concentrent plus de la moitié des recrutements : la propreté, la collecte et la gestion des déchets, les affaires scolaires, la petite enfance, le social et les affaires juridiques et administratives. Les métiers dont les effectifs ont fortement augmenté en 2010 sont ceux d'animateur éducatif, d'agent d'entretien et d'aide-soignant, tandis qu'émergent les métiers liés à l'environnement et à la communication. Dans la fonction publique d'Etat, qui rassemble 2,4 millions d'agents, soit 45,6 % de l'emploi public, 39 692 recrutements ont été réalisés en 2008 (derniers chiffres disponibles), soit 3,1 % de moins qu'en 2007.

"L'ouvrage tout-en-un reste le plus demandé"

 

Libraire au rayon économie, droit et concours de Mollat, à Bordeaux, Olivia Castagné prévoit des tables tout au long de l'année.

 

Photo OLIVIER DION

En dépit de la diminution des recrutements, "chez nous, le rayon des concours reste très fréquenté, se réjouit Olivia Castagné, libraire chez Mollat, à Bordeaux. Les métiers du paramédical et du social, en particulier, se portent bien. Du côté des concours administratifs, c'est plus inégal, admet-elle. Nous avons des demandes pour certains concours, pour entrer à La Poste ou à Pôle emploi par exemple, qui ne sont pas couvertes par l'édition". Pour la libraire, "le secteur de l'enseignement connaît effectivement une légère baisse mais parvient à se maintenir. En revanche, ce ne sont plus du tout les mêmes clients. Nous voyons maintenant des étudiants en master. Quel que soit le concours, l'ouvrage tout-en-un, avec de la méthodologie, des annales, des exercices, reste le plus demandé".

Pour mettre en avant les titres de préparation aux concours administratifs, "nous préparons des tables en fonction du calendrier, souligne Olivia Castagné. Nous avons rapproché tout ce qui concerne les CV, les lettres de motivation et les livres sur les métiers des ouvrages de préparation aux concours. Nous avons également rapproché le rayon de préparation aux concours du paramédical de celui des études médicales, en particulier d'infirmier, et nous avons des tables qui fonctionnent bien car il y a des concours tout au long de l'année. Dès lors, nous faisons de moins en moins d'opérations commerciales, et il n'y a plus vraiment de périodicité".

Les dernières
actualités