Petit segment du secteur du livre pratique, la nature continue d'attirer un lectorat fidèle, de plus en plus désireux de s'évader du monde urbain, ne serait-ce que par ses lectures. Mais si son marché demeure stable, il ne brille pas par son dynamisme. Delachaux et Niestlé, où l'on se réjouit d'une excellente année 2011, avec une augmentation de 20 % du chiffre d'affaires, fait figure d'exception. La tonalité générale est plutôt à la modération. Chez Plume de carotte, Quand la nature imite la science a créé une bonne surprise en se vendant à 11 000 exemplaires au lieu des 4 500 escomptés. Mais le directeur, Frédéric Lisak, reconnaît que le marché est plus tendu que les années précédentes et invite à une certaine prudence : "Nous nous autorisons généralement un ou deux titres un peu risqués par an. Ce ne sera pas le cas en 2012 », précise-t-il. Pour Jean-Louis Hocq, directeur de Solar, la nature est carrément "un secteur qui vivote. Nos grands classiques continuent de bien se vendre, mais on n'investit plus ».

LE B.A.-BA DE LA NATURE

Le marché a tendance à se resserrer autour des fondamentaux. Les guides d'identification, un peu délaissés ces dernières années, ont de nouveau les faveurs des éditeurs qui y voient des valeurs sûres générant, bon an mal an, des ventes régulières. Symptomatiquement, le Guide des champignons de Solar enregistre chaque année des ventes autour de 7 000 exemplaires. Plusieurs nouvelles collections voient le jour cette année. Hachette Pratique lance au printemps "Guide Hachette nature" qui réunit des ouvrages en petit format sur des sujets porteurs comme les arbres, les plantes sauvages, les champignons ou les oiseaux. Glénat propose "Les mosaïques nature", une série pour reconnaître mais aussi pour dessiner ou photographier les espèces. La collection compte 8 titres dont Fruits sauvages comestibles, Rapaces, Oiseaux du littoral, Fleurs des Alpes et Animaux des montagnes. Larousse annonce deux nouvelles collections, dont une destinée aux néophytes, pour le dernier trimestre de l'année, et relance ses deux collections classiques, "L'oeil nature" et "Nature en poche", avec une nouvelle présentation et un prix baissé.

Dunod apporte trois nouveautés à sa collection "L'amateur de nature", créée l'an dernier - A la découverte des oiseaux, Les insectes à la loupe et Au long des rivages : côte Ouest -, et relance l'ensemble de la collection par une grande campagne en librairie au printemps. Belin poursuit sa collection "Fous de nature" avec trois titres au printemps dont le très pointu Guide des galles de France et d'Europe. Delachaux et Niestlé publie au premier trimestre plusieurs titres dont Aller aux champignons : reconnaître, cueillir, cuisiner, Observer les oiseaux de Camargue et Atlas des oiseaux nicheurs de Midi-Pyrénées, ainsi que, dans la collection "Reconnaître facilement", Les champs et Les insectes.

La présence de la nature et de la vie sauvage en milieu urbain est un thème qui se développe de façon notable. Actes Sud publie en mars Ville sauvage : l'écologie urbaine à Marseille, et Glénat propose Animaux sauvages de nos villes dans sa nouvelle collection "Les mosaïques nature". Chez Plume de carotte, Paris sauvage, de l'illustrateur Thierry Dedieu, associe un imagier des animaux croqués dans la ville et des informations scientifiques. L'éditeur publie également Artiste de nature en ville : pratiquer le land art en milieu urbain.

La flore est un petit segment qui suscite quelques publications régulières. Ouest France propose au printemps Plantes prodigieuses et Plantes du bien-être. Chez Plume de carotte, la collection "Terra curiosa", initiée en 2011, trouve progressivement sa place. "Nous y abordons des thèmes pointus qui seraient difficiles à traiter dans des ouvrages chers », explique Frédéric Lisak, qui prévoit pour la fin d'avril Le grand livre des ressources végétales : comment les plantes peuvent nous aider à nous passer du pétrole, à la fois beau livre et ouvrage de réflexion sur une problématique actuelle. Flammarion a publié en octobre dernier Arbres : l'encyclopédie des 600 plus beaux arbres du monde et une Histoire naturelle qui a obtenu un gros succès avec 25 000 ventes.

ÇA ROULE MA POULE !

Alors qu'on estime qu'un foyer français sur deux possède un animal domestique et qu'on dénombre 10,7 millions de chiens et 7,8 millions de chats, la littérature sur les animaux domestiques reste une valeur sûre. Les deux axes éditoriaux principaux sont toujours les ouvrages sur les races et ceux qui concernent le comportement et la psychologie de l'animal. De Vecchi, éditeur historique sur ce segment, prévoit une demi-douzaine de titres cette année dont Tout savoir sur le chat, Mon chat me parle, Mon chien me parle, Le guide complet des poissons tropicaux d'eau de mer et, dans la collection "NAC" (nouveaux animaux de compagnie), Le cochon nain. Delachaux et Niestlé, qui a fait de la biodiversité domestique un axe fort de sa production, publie notamment au premier trimestre un Dictionnaire comportemental du cheval, Le livre des chats : 80 races pour tous les styles de vie et La vie secrète de votre chat.

Ulmer a publié de son côté son Manuel du comportement du cheval et Le comportement du chat de A à Z en février. Artémis propose plusieurs titres sur les chiens avec Le berger australien, Le malinois ou Le Jack Russell terrier. Larousse se taille toujours un joli succès avec sa collection au ton décalé, "Larousse attitude", qui accueillera cette année Le bébé du chat hypocrite, Je veux un mini-cochon ! et Drôles d'oiseaux !. L'éditeur a également prévu pour le printemps Comment élever son chiot (au top !) et Le petit Larousse du chat et du chaton. Marabout prévoit 4 titres en mars sur des sujets classiques comme Eduquer son chiot, Eduquer son chat, Les races de chiens et Les races de chats, tandis que First propose J'éduque mon chien dans sa nouvelle collection "En 1 week-end".

Le phénoménal engouement pour les poules, apparu l'année dernière, ne se dément pas. Larousse, par exemple, a vendu plus de 20 000 exemplaires de Je veux des poules !, paru l'an dernier dans la collection "Larousse attitude". Plusieurs titres sur les gallinacés verront le jour cette année, en particulier chez Ulmer, qui publie J'élève des poules dans mon jardin en mars, et chez Delachaux et Niestlé, qui annonce pour le printemps Tout pour ma poule : la choyer, la soigner, l'élever. Artémis, qui compte pas moins de 5 titres au catalogue sur la question, prévoit au printemps une grande encyclopédie qui abordera aussi bien la construction d'une basse-cour que les différentes races ou l'alimentation des poules.

SAUVAGE ET BEAU

Les livres sur les animaux sauvages sont en revanche en perte de vitesse, sauf quand ils sont traités sous un angle particulier. Chez Artémis, Stéphane Peyres, directeur commercial, observe un intérêt pour la faune sauvage au jardin et les reptiles comme animaux de compagnie. L'éditeur alimente en conséquence sa collection "Les portraits sauvages", avec notamment L'écureuil, Le hérisson, Python royal, Serpent des blés, Serpent roi. Belin publie un ouvrage très original, Un éléphant dans ma salle d'attente : aventures d'une vétérinaire, signé par une spécialiste de la faune sauvage qui parcourt la France et le monde pour rencontrer ses singuliers patients. Dans la même veine, Flammarion livre, avec Kemala, une louve dans ma famille, le témoignage d'un couple qui a adopté un louveteau pour l'élever en appartement.

Que ce soit sur la faune ou la flore, quelques éditeurs se risquent encore à faire des beaux livres. "Les gens sont beaucoup sollicités, ont moins d'argent et sont de mieux en mieux informés. Il faut leur offrir de la qualité, plaide Philippe Jean Dubois, directeur de Delachaux et Niestlé. Dans A nos vaches, 85 % de l'information provenait de spécialistes et de fonds spécifiques, des ressources qu'on ne trouve pas sur Internet." Dunod prévoit aussi un beau livre scientifique pour septembre, La nature vue de très près, qui associe des macrophotos et des explications.

Les récits de vie en rapport avec la nature attirent un public croissant. Devant l'engouement suscité en 2011 par Un dernier berger, dont les 3 500 exemplaires tirés ont été épuisés en quelques mois et ont été suivis de deux retirages successifs de 2 000 exemplaires, les éditions du Rouergue ont décidé de créer une collection, "Natures humaines", qui se propose de poser les grandes problématiques écologiques à travers les expériences de métiers traditionnels. Après Pêcheur d'estuaire, paru fin 2011, sort ce mois-ci Les hommes des roseaux. Rustica publie en avril Comment moins dépendre du système : des conseils pratiques pour être économiquement moins dépendant du système. De même, Actes Sud propose Au-delà d'une forêt ordinaire : en chemin avec la nature et les hommes de Haute-Provence, témoignage du rapport de l'homme à son environnement naturel. Delachaux et Niestlé a prévu pour la fin de l'année un beau livre intitulé Le dernier des paysans.

Une écologie très appliquée

 

Pour intéresser les lecteurs, les ouvrages sur l'environnement doivent de préférence concerner la vie quotidienne en proposant des solutions concrètes et une vision positive.

 

Si les questions environnementales ne font plus la une de l'actualité comme à l'époque du Grenelle de l'environnement, elles continuent de susciter un intérêt réel chez les lecteurs, mais sur un mode moins spectaculaire. Plus que les généralités, le public apprécie désormais les ouvrages qui abordent une problématique particulière et qui vont au-delà du simple constat pour proposer des solutions concrètes, sortant de la vision catastrophiste pour entrer dans une démarche plus positive et plus constructive. C'est le cas de la collection "Domaine du possible", chez Actes Sud, dans laquelle paraît ce mois-ci L'agriculture biologique pour nourrir l'humanité. "Ces ouvrages partent des expériences de terrain pour alimenter une autre façon de penser certaines questions", explique Marie-Marie Andrasch, responsable éditoriale. Chez le même éditeur, des livres tels que Usurpation contre nature, recueils d'entretiens réalisés par la journaliste Ruth Stegassy dans son émission "Terre à terre" sur France Culture, Solutions locales pour un désordre global, série d'entretiens rassemblés par Coline Serreau, ou encore Des jardins agroécologiques : prendre soin de la terre, mieux nourrir les hommes, de Pierre Rabhi, ont la même ambition de s'inscrire dans une démarche constructive.

La démarche est analogue dans Merci la terre, un petit livre pédagogique d'Alain Hervé, le créateur du Sauvage, premier magazine écologique français, publié en avril par Sang de la terre. "Il faut continuer à publier des livres sur ces questions, aujourd'hui un peu mises de côté", revendique Jean-Paul Barriolade, directeur de Sang de la terre. Emanation de la fondation suisse éponyme, les éditions Charles-Léoplold Mayer livrent régulièrement des ouvrages de réflexion sur la construction d'une société durable, tels que Biopiraterie paru en début d'année, ou un ouvrage sur les semences prévu fin mars. Rue de l'Echiquier poursuit ses publications avec La vérité scientifique sur le nucléaire, qui paraît ce mois-ci, La tentation du bitume dans la collection "Les petits ruisseaux" et Les limites de la croissance, traduction de l'ouvrage américain paru en 1972, considéré comme pionnier dans la prise de conscience des conséquences écologiques de la croissance économique, annoncé en avril dans la collection "Initiale(s) DD". "Il y a une attente du public pour des livres de référence qui sont à la source du développement durable", estime Thomas Bout, directeur de Rue de l'Echiquier.

De la même manière, Cradle to cradle, le premier titre de la collection "Manifestô" initiée début 2011 par les éditions Alternatives, a totalisé plus de 3 000 ventes, et le titre suivant paru début 2012, Changeons de cap, changeons de PAC de José Bové, a déjà été retiré à 3 000 exemplaires après un tirage initial de 5 000. Deux autres nouveautés sont prévues en mai, puis en septembre : Vive la corévolution : pour une société collaborative et L'âge d'homme : comment créer le monde de demain à l'ère de l'anthropocène. Delachaux et Niestlé réédite Avant que nature meure de Jean Dorst, un classique de la littérature écologique, et publie La grande amnésie écologique, ainsi que L'écologie sinon rien : chronique sur ceux qui s'obstinent à ne pas y croire et Les nouvelles pollutions invisibles : ces poisons qui nous entourent.

PSYCHOLOGIE

Dunod délivre au premier trimestre un ouvrage consacré à l'impact de la nature sur la psychologie humaine, illustré de plusieurs expériences scientifiques : Quand la nature nous fait du bien, dans la collection "Petites expériences de psychologie". La plupart des maisons généralistes apportent régulièrement leur contribution avec un ou deux ouvrages par an. Flammarion a produit Un geste pour la planète : peut-on ne pas être écolo ? en février dans la collection "Antidote", et prévoit Tous cobayes ! OGM, pesticides et produits chimiques en avril, ainsi que Bienvenue à Tchernobyl : un tour du monde des lieux les plus pollués de la planète en septembre. Odile Jacob a lancé Querelles écologiques et choix politiques en novembre 2011 dans la collection "Penser la société". A l'occasion de ses 30 ans, la revue Silence publie en mars aux éditions du Passager clandestin L'écologie en 600 dates, une vaste somme qui retrace les grandes étapes de la construction de la pensée écologiste.