Dossier POCHE

Dossier : questions de fonds pour le poche

Dossier : questions de fonds pour le poche

Jusque-là épargné par l’érosion générale des ventes, le poche a fini l’année en négatif. Pour les principaux éditeurs, c’est une raison supplémentaire de faire preuve d’innovation, de renforcer leur travail commercial et de nourrir leur fonds. Car c’est aussi là que réside la clé de leur avenir dans le numérique.

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Par Catherine Andreucci,
Créé le 17.10.2013 à 19h18 ,
Mis à jour le 14.04.2014 à 15h45

Photo OLIVIER DION

Le constat est implacable. Alors qu’il offrait un bel exemple de résistance face à une crise tenace, le poche a basculé dans le négatif en 2012. Les meilleures ventes ont fléchi l’année dernière et le dépôt de bilan de Virgin envoie un autre signal négatif. De plus, souligne Patrick Gambache, directeur général de Points (filiale du Seuil), « la baisse des mises en place et des ventes sur les tirages petits et moyens s’est accentuée ». Le poche n’est donc plus épargné par l’érosion générale du marché du livre. «Il semblait que le petit prix était la solution à un marché en récession et à une crise qui dépasse le livre, or pas du tout, analyse Anna Pavlowitch, directrice générale de J’ai lu (65 % Flammarion, 35 % Hachette). Mais le poche ne se résume pas au prix : c’est une sélectivité, une mécanique de construction de catalogue et de collections, un savoir-faire commercial. »« Le poche résiste quand même relativement bien, tempère Anne Assous, directrice du marketing de Gallimard. On savait que Folio serait en recul après le succès de La délicatesse en 2011 : nous sommes à - 5 % en 2012. Mais nous sommes stables par rapport à 2010. Cette année anniversaire - 40 ans - reste néanmoins pour nous une bonne année parce que nous avons mis en place des dispositifs nouveaux, comme le prix Campus des jeunes lecteurs, des éditions nouvelles qui remettent en place des titres du fonds. » Pas question de se laisser abattre, les principaux éditeurs du secteur se montrent bien décidés à défendre leurs positions et à renouer avec la croissance.

Le Livre de poche, en recul en 2012, repasse à l’offensive cette année pour son 60e anniversaire. «Je constate que nous sommes très suivis par les libraires, qui ont habillé leurs vitrines avec notre matériel promotionnel. L’année démarre bien malgré la mise en berne de Virgin », se réjouit sa directrice, Cécile Boyer-Runge, qui reste muette sur l’évolution de 2012. Grand vainqueur de l’an dernier pour les 50 ans de Pocket et de 10/18, Univers Poche affiche une belle santé. «Sur ce marché difficile, nous avons réalisé en 2012 une année historique : + 9,2 % pour Pocket et + 6,3 % pour 10/18 en valeur, détaille Marie-Christine Conchon, P-DG. Avec, en prime, des indicateurs excellents : des flux très sains car les taux de retours sont en baisse pour les deux marques, et une production stable. Nous allons continuer à être aussi dynamiques dans ce marché d’offre, à travailler les points forts de nos catalogues et à les animer. »

 

Stratégies commerciales

 

Cela ne se fera pas sans un travail commercial toujours plus pointu et rapproché avec les points de vente. Univers Poche va réitérer les partenariats initiés en 2012 avec des enseignes et des groupements de libraires autour d’opérations thématiques sur le thriller et le policier. Le Livre de poche mènera des opérations particulières pour ses 60 ans avec les grandes librairies de province (matériel supplémentaire, parfois spécifique). Car, souligne Cécile Boyer-Runge, « finalement, dans cette période un peu troublée, les grandes librairies indépendantes tirent bien leur épingle du jeu. C’est un phénomène positif ». J’ai lu a accru ses objectifs de mise en place sur le premier niveau pour une sélection de 15 titres en littérature, en donnant davantage de matière aux représentants. Chez Points, ajoute Patrick Gambache, «nous donnons beaucoup d’informations aux représentants sur notre positionnement, la stratégie de la maison, comment on veut pousser des auteurs ». Et lorsqu’un effort a été décidé sur un titre ou un auteur, Points sort le grand jeu : « Nous faisons très en amont des réunions d’objectifs avec le diffuseur. Pour Katherine Pancol en 2012, nous avions voulu événementialiser la reprise des anciens titres en convoquant les commerciaux chez Points, pour leur dévoiler les couvertures. Et ça a marché ! » se félicite Marie Leroy, directrice générale adjointe.

Car tout l’enjeu reste de faire vivre les titres du fonds. Bien obligés quand on réalise près de la moitié du chiffre d’affaires, voire davantage, avec des titres publiés depuis plus d’un an. Bien obligés aussi pour ne pas perdre les droits quand la durée de cession de droits en poche est de sept ans (souvent cinq pour la littérature étrangère). Mais c’est un défi de taille. «Globalement, le fonds se vend moins bien chaque année, et cela ne provient pas du fait que l’on a des titres accessibles en numérique, car ils sont plus anciens, plus pointus aussi, analyse Yvon Girard, directeur du développement éditorial de Gallimard. Les libraires sont contraints d’avoir une gestion plus serrée, avec des taux de rotation des stocks qu’ils déterminent eux-mêmes pour leur rentabilité. C’est pourquoi on incite plusieurs fois par an les libraires à réassortir le fonds, avec des opérations, des mises en avant. Quand on le fait, ça fonctionne. Mais il n’y a plus en librairie autant de références qu’il y a dix ans. » Nouvelles couvertures, remises en vente, opérations thématiques, liens avec les adaptations au cinéma (voir encadré p 72) : tout est bon pour le fonds. A commencer par le renouvellement du graphisme, qui permet de remettre en place de façon cohérente tous les titres d’un auteur à la faveur de la parution d’une nouveauté. J’ai lu et Librio redessinent la ligne de Fred Vargas pour le 10 avril (en prévision de la parution de L’armée furieuse en juin), Points réinvente Henning Mankell pour le 11 avril (L’œil du léopard), Folio a conçu un univers propre à Italo Calvino dont il republie toute l’œuvre depuis l’automne… Pocket, qui vient de ressortir tous les romans de Douglas Kennedy sous des couvertures revisitées, offre des habits neufs à Robert Ludlum, et relance la série Une aventures de Stéphanie Plum de Janet Evanovich pour l’été. Points est aux petits soins pour les livres de Pierre Desproges et prévoit, pour marquer les 25 ans de la mort de l’humoriste, des éditions collector (Dictionnaire superflu à l’usage de l’élite et des biens nantis, Manuel de savoir-vivre à l’usage des rustres et des malpolis, Les étrangers sont nuls et Vivons heureux en attendant la mort) et une édition en Point Deux des Réquisitoires du tribunal des flagrants délires le 11 avril, et travaille à une application iPhone.

 

Faire vivre le fonds

 

Le Livre de poche a fait du fonds une de ses priorités, confiée à Claire Desserrey, directrice éditoriale déjà chargée des classiques. «Beaucoup d’auteurs contemporains passent par des purgatoires ou sont un peu moins lus et peuvent revenir sur le devant de la scène, notamment à l’occasion d’un film comme cela a été le cas avec Thérèse Desqueyroux de François Mauriac », souligne l’éditrice, qui redynamise depuis l’automne dernier « Biblio », la collection de classiques du XXe siècle, dans laquelle elle développe le domaine anglo-saxon, avec Sybille Bedford, Elizabeth Bowen, Vita Sackville-West ou encore Jane Austen (Sanditon). Au Livre de poche, les réunions hebdomadaires de réimpressions décident du sort des titres du fonds parmi les 5 200 références actives du catalogue.

Existe-t-il un seuil de ventes en deçà duquel on ne réimprime plus ? Les réponses sont plus ou moins précises, et variées… « En dessous de 1 000 exemplaires, on hésite », admet Cécile Boyer-Runge. Chez Points, « en dessous de 200 exemplaires par an, on se pose la question. Au-delà, on réimprime automatiquement à 1 000 exemplaires », affirme Marie Leroy, qui revendique 3 000 références actives. « En deçà de 2 000 à 3 000 exemplaires par an, on a du mal à réimprimer car les titres n’ont plus assez de visibilité », explique de son côté Marie-Christine Conchon, chez Univers Poche, où le fonds représente 50 % du chiffre d’affaires chez 10/18, et de 53 % à 54 % chez Pocket. «Nous avons un nombre constant de titres au catalogue : environ 2 500 chez Pocket et 1 500 chez 10/18. Mais on ne peut pas mettre en permanence en librairie un nombre illimité de titres. » Chez J’ai lu, Anna Pavlowitch assure : « Il n’y a pas de seuil minimal pour réimprimer. Avant, on ne réimprimait pas si on vendait moins de 500 exemplaires par an. On a perdu tellement de droits en raisonnant ainsi ! Depuis quelques années, on travaille dans des logiques de mises en avant d’auteurs. »

Folio, qui réalise 70 % du chiffre d’affaires avec le fonds et affiche 4 000 références actives sur un catalogue de 5 000, avoue tout de même y regarder à deux fois avant de réimprimer un titre qui se vend à 150 exemplaires par an… «On se demande si on met le titre en suspens, quitte à le remettre en avant plus tard », indique Yvon Girard. Mais, fait valoir Louis Chevaillier, responsable de la littérature, « évidemment, on réimprimera Faulkner quelles que soient ses ventes. Des auteurs viennent vers nous pour notre politique de réimpressions régulières du fonds. Et tous les ans, on reprend les titres d’un auteur, comme Erri De Luca… L’exploitation sur la durée a un coût, mais c’est une des particularités de Folio ». A partir de la mi-mars, Folio remet en avant 1984 de George Orwell, le lauréat du premier prix Campus décerné par les lecteurs de 15-25 ans.

Sur le front des nouveautés, c’est en non-fiction que les éditeurs vont innover cette année. Points crée une collection « Aventure » sous la direction de Patrice Franceschi qui entend faire souffler «un esprit de liberté » avec des récits d’aventures, des portraits d’écrivains aventuriers, des réflexions sur le voyage (5 à 8 titres par an). L’embarquement se fera le 25 avril avec Dernières nouvelles du Sud de Luis Sepúlveda (avec des photos de Daniel Mordzinski), Avant la dernière ligne droite de Patrice Franceschi, Boréal de Paul-Emile Victor, et un manifeste, L’aventure pour quoi faire ?, qui réunit 10 textes inédits de Patrick Franceschi, Jean-Christophe Rufin, Bruno Corty, Sylvain Tesson, Tristan Savin, Jean-Claude Guillebaud, Olivier Frébourg, Laurent Joffrin, Gérard Chaliand, Martin Hirsch et Olivier Archambeau. Ces jours-ci, 10/18 lance sa collection « Le monde expliqué aux vieux », en coédition avec la revue Usbek & Rica dont les jeunes contributeurs tenteront de combler les gouffres entre générations avec des livres inédits sur Lady Gaga, La solitude, Facebook, La violence… En juin, Pocket engage la publication en poche des « Dictionnaire amoureux » de Plon (8 titres par an) en commençant par Le rock d’Antoine de Caunes, La science de Claude Allègre, L’histoire de France de Max Gallo et La gastronomie de Christian Millau.

 

Inédits et numériques

 

Mais la fiction reste sous les feux de l’actualité, policiers et thrillers en tête. Galvanisé par les deux best-sellers d’Arnaldur Indridason en 2012, Points se prépare sereinement à voir Michael Connelly passer progressivement au Livre de poche à la faveur du transfert de l’auteur de Seuil à Calmann-Lévy (Volte-face paraît en mai). « La possibilité de créer des best-sellers en poche est toujours là : en un mois, nous avons par exemple multiplié par trois ou quatre le score en grand format d’Avec le diable de James Keene et Hillel Levin », souligne Marie Leroy. Pocket a lancé en janvier une nouvelle série à petit prix (3,90 euros) de polars courts d’auteurs en vogue et absents de son catalogue : Caryl Férey, Stéphane Michaka… 10/18 reprendra à l’automne le premier titre de la collection « La cosmopolite noire » de Stock, So much pretty de Cara Hoffman. Folio policier poursuit sa série des « Villes noires », reprise d’un petit éditeur, Asphalte, et annonce Mapuche de Caryl Férey pour octobre. Babel, qui a le vent en poupe avec « Babel noir », annonce Le prédicateur de Camilla Läckberg pour mai et a étendu son opération « un titre offert pour deux achetés » au polar en janvier.

J’ai lu, quant à lui, devient l’éditeur premier de Jeff Abbott, et publiera son prochain thriller, Adrénaline, dans un format spécial à 13,90 euros. «En Allemagne et en Grande-Bretagne, plus de la moitié de la production de polars se fait directement en poche, rappelle Caroline Lamoulie. Les agents ne sont pas du tout surpris, ils savent que l’on aura les moyens de faire des succès. Mais les prix sont les mêmes que pour le grand format ! »

J’ai lu fait d’ailleurs de ces formats en semi-poche (inédits et volumes rassemblant plusieurs titres) un de ses axes de développement pour 2013. « Nous avons fait notre chiffre en 2012 sur les hors-format, avec des prix entre 9 et 12 euros, toujours en dessous de 14,95 euros, explique Anna Pavlowitch. Entre 2011 et 2012, nous avons doublé notre chiffre d’affaires sur ces hors-formats. Mais l’accélération des inédits n’est possible qu’en littérature de genre, où la mécanique commerciale de la marque J’ai lu et des collections le permet. » Les inédits prennent donc de l’ampleur : en érotique, avec la trilogie inédite de Sylvia Day ; en science-fiction, avec Wild cards, la prochaine série, en août, de George R. R. Martin, auteur du Trône de fer ; en humour, avec la nouvelle collection lancée en février ; en pratique aussi, avec 60 jours avec moi : votre carnet de bord de Pierre Dukan…

Mais derrière cet accent mis sur les inédits, c’est aussi toute une stratégie numérique qui se profile. «La progression du numérique en France fait qu’avoir les droits premiers est capital », confirme Anna Pavlowitch. « En mars, tous nos inédits seront numérisés et vendus à un prix inférieur de 30 % à celui du papier. Dévoile-moi de Sylvia Day, à 7,99 euros en numérique, est la meilleure vente du groupe avec 4 000 exemplaires, pour 50 000 ventes papier à 13 euros », ajoute-t-elle, indiquant qu’elle travaille sur un projet de site numérique marchand en littérature sentimentale pour la fin de l’année.

Bien décidés à jouer leur carte, les éditeurs de poche ont donc migré vers le numérique. «Nous avons réussi à faire une croissance forte sur le numérique (10 fois plus de titres vendus en 2012 qu’en 2011) et sur le poche. Cela confirme qu’il n’y a pas d’incompatibilité entre les deux, estime Marie-Christine Conchon, chez Univers Poche, qui a lancé en mai dernier la marque numérique 12-21. Nous travaillons des offres complémentaires. Pour Robert Ludlum, nous avons acquis les droits premiers de nos titres du fonds et nous sortons certains titres en avant-première en 12-21. » Le Livre de poche mettra en ligne son catalogue « Ebook du Livre de poche » à la fin de mars : «C’est l’étage supérieur de la fusée. Les titres sont déjà en vente, mais cette marque "ombrelle" permettra de créer une dynamique », explique Cécile Boyer-Runge, qui précise qu’ils seront vendus «au même prix que le poche papier, à peu de chose près ». Longtemps opposé à l’alignement des prix du numérique sur ceux du poche lorsque le titre est disponible dans ce format, Patrick Gambache, par ailleurs président de la plateforme Eden, a dû s’y résoudre : «Il y a désormais une première décote sur le prix du grand format, - 30 % ou - 32 % au moment de la sortie en grand format, puis une deuxième décote quand le poche sort. Pour l’instant, nous n’avons pas remarqué d’impact, mais nous n’avons pas assez de recul. » Mais les titres restent sous la marque Seuil, et Patrick Gambache dit «réfléchir à la création d’une marque numérique ». Chez Folio, «chaque mois, nous avons environ 50 nouveautés Folio ou du fonds Folio numérisées, explique Yvon Girard. Je ne vois pas d’effet sur les ventes du papier. Je considère que c’est un effet complémentaire. » <

Le poche en chiffres

Des femmes de terrain

 

Fin 2012, plusieurs directions éditoriales ont changé dans les maisons de livres de poche. Par promotions internes ou recrutements externes, ces éditrices aux commandes ont une solide expérience du secteur.

 

Carine Fannius : conquise par le poche

 

10/18, pour Carine Fannius, « c’est un rêve vieux de quinze ans, une marque que j’aime, où l’on fait à la fois du poche et de l’inédit. Je ne serais pas partie pour une autre maison de poche ». Elle a été débauchée du Livre de poche, où elle était directrice éditoriale depuis six ans, pour remplacer Emmanuelle Heurtebize, partie s’occuper de la littérature étrangère chez Stock. Littérature générale, policier, pratique : « Je suis tombée dans le poche à la sortie de mes études de droit. » Après un stage aux Belles Lettres, elle enchaîne chez J’ai lu, où elle est embauchée par Marion Mazauric et Béatrice Duval. « J’ai été conquise : j’ai oublié mes études de droit, mon projet d’être avocate ! »

En passant du Livre de poche à 10/18, Carine Fannius, 40 ans, passe d’une production de 300 titres par an à 130, dont 40 % d’inédits… « Il est encore trop tôt pour parler des projets, mais je vais m’inscrire dans la continuité, garder l’image de marque très forte et renouveler. Je me pencherai peut-être un peu plus sur le domaine policier, et je pense replonger une ou deux fois par an dans le fonds pour en ressortir une pépite. »

Valérie Miguel-Kraak : Made in Pocket

 

Promue directrice éditoriale de Pocket après le départ de Laurent Boudin pour First, Valérie Miguel-Kraak connaît tous les arcanes de la maison où elle est entrée en 2003. Littérature française, étrangère, non-fiction, romans féminins ou historiques, thrillers… « On ne s’ennuie jamais. Le lectorat évolue, il faut accompagner les titres au plus près, faire durer les auteurs, organiser la rencontre des livres avec des lecteurs en les rendant attractifs. » Après des études de lettres et de littérature comparée, elle s’envole pour Dublin où elle passera deux ans avant de revenir en France pour intégrer le mastère spécialisé Management de l’édition de l’ESCP-Asfored. Ses débuts dans l’édition, elle les fait du côté de l’illustré et du pratique, chez Solar puis Marabout. Il y a dix ans, elle est passée au poche, chez Pocket, où elle était devenue directrice éditoriale adjointe en 2011.

Audrey Petit : Changement d’orbite

 

A 38 ans, Audrey Petit élargit la focale. Ancienne directrice d’Orbit, le label SF de Calmann-Lévy, elle est désormais directrice littéraire chargée de la littérature contemporaine au Livre de poche, où elle conserve la responsabilité des littératures de l’imaginaire. « J’ai toujours lu des choses très différentes, mais quand on lit de la fantasy on devient vite spécialiste, car ce n’est pas très courant de connaître et d’aimer ça dans l’édition en France. Mais j’ai toujours eu dans un petit coin de ma tête l’envie d’ouvrir l’horizon… » Après une maîtrise de philosophie, elle fait un premier stage chez Odile Jacob, puis entre chez Mnémos, dont elle sera la directrice éditoriale pendant sept ans. Elle a aussi travaillé chez Mango et fait partie du comité de lecture de 10/18, de Pocket et de Fleuve noir. « J’aime le côté démocratique et populaire du poche : il y en a pour tous les goûts, à prix abordables. L’important, c’est d’être lu, dit-elle. Il y a une très grande créativité en poche. Au-delà de l’envie de plaire aux lecteurs et de prendre des parts de marché, c’est intéressant de se lever le matin en se demandant comment on peut rendre un livre attrayant ! »

J’ai lu et Folio : quels destins ?

Yvon Girard, Gallimard- Photo OLIVIER DION

Comment se positionnent J’ai lu et Folio depuis le rachat de Flammarion par Gallimard ? Leurs images respectives sont aux antipodes l’une de l’autre : littéraire et patrimoniale pour Folio, populaire et grande distribution pour J’ai lu. Mais, depuis quelques années, la réalité a évolué. J’ai lu est monté en gamme et a pris pied dans les librairies de premier niveau, quand Folio a davantage misé sur la littérature grand public.

« J’ai lu et Folio constituent désormais le premier groupe de poche, devant tout le monde, souligne Yvon Girard, responsable du développement éditorial de Gallimard. Nous avons une complémentarité assez remarquable pour couvrir le spectre complet de tout ce qui peut être publié en poche. »

Des pistes d’action se dégagent déjà. Premier effet « groupe » : « Nous allons définir ensemble des manières d’agir par rapport aux acquisitions auprès d’éditeurs tiers, nous concerter pour savoir quel type d’offre faire et qui est le mieux habillé pour. Il est évident que nous n’allons pas faire de la surenchère entre nous », explique Yvon Girard.

Autre chantier, les collections de classiques, qui sont concurrentes avec « Etonnants classiques », « Garnier Flammarion », « Folioplus classiques », « Folio classique ». « Nous allons établir nos programmes avec un minimum de concertation et réfléchir quelles lignes définir, précise Yvon Girard. Il y a là des synergies à créer, surtout dans le domaine public. Nous réfléchissons aux problématiques de marketing, de positionnement commercial et de prescription. » Mais, assure-t-il, « nous n’envisageons pas pour l’instant de supprimer des collections ou d’en créer de nouvelles.Il y a des situations dans lesquelles une offre diversifiée sur un même sujet peut créer un marché, et cela ne porte pas préjudice ». La réflexion vaut aussi pour les sciences humaines avec « Champs » (Flammarion), « Tel », « Folio essais », « Folio histoire » (Gallimard).

Plus globalement, résume Yvon Girard, « il n’y a pas de raison de casser des identités qui existent, si les offres respectives sont bien définies, avec des champs où chacun se reconnaît. Il serait dommage d’avoir des lignes un peu troubles, qui feraient que l’on se demande où placer un livre, en J’ai lu ou en Folio »


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