Fission poétique. Quand Prométhée déroba le feu aux dieux pour le donner aux hommes, se serait-il douté qu'avec cette matière ignée ils ne se contenteraient pas de s'éclairer, de cuire des aliments ou de fabriquer des outils... Les mortels forgeraient des armes pour s'entretuer. La lumière, l'intelligence au service du mal, le progrès qui tourne au cauchemar n'est pas un mythe... C'est la vraie révélation - l'Apocalypse. Robert Oppenheimer est « le père de la bombe atomique ». C'est sous l'égide du physicien américain que le fruit de ses recherches sur la fission de l'uranium et du plutonium explose le 16 juillet 1945 en plein désert du Nouveau-Mexique... On connaît la suite, ou la fin plutôt. La possible fin du monde par embrasement total de la planète !

Dans Filles atomiques, la poète mexicaine Elisa Díaz Castelo fait entendre une polyphonie de femmes toutes liées, peu ou prou, à Oppenheimer. Elle met en scène Kitty, l'épouse ; Jean, l'amante de toute une vie, « psychiatre, communiste, suicidée » ; Leona, seule femme impliquée dans la mise en route du réacteur nucléaire ; et des « filles d'Oak Ridge », ouvrières qui ont travaillé sans le savoir sur le projet Manhattan top secret, dont le but était de rattraper les nazis dans l'élaboration d'une bombe à fission. Robert Oppenheimer n'est pas le coryphée de ce chœur tragique, il avance en costume sans tête et sans pieds. Les monologues des dramatis personae tournoient autour de lui et tissent un thrène clamant leur solitude présente, les désolations à venir : « Un soleil dans chaque blessure, lettre à lettre. / Dans l'air, l'odeur de peau / corps à corps / avec le feu. »