Réparer le futur. Anastasia est une adolescente toujours émerveillée, même si le village aragonais dans lequel elle vit périclite à cause de la sécheresse. Elle écrit des poèmes et suit son père dans de longues randonnées jusque dans des lieux secrets où se trouvent des peintures rupestres. C'est lors d'une de ces escapades qu'elle fait une chute qui aurait pu être mortelle si elle n'avait pas été sauvée par un ange ; de fait, elle en est persuadée... Mais quand son père se tue lui-même accidentellement, elle décide de tout quitter pour rejoindre la Bretagne, terre natale de ses aïeux. Parcourant une nature à la beauté sauvage préservée, elle voyagera à pied et en bus, croisant des cavaliers fantômes et une femme généreuse qui lui offre son aide. Le récit de son périple alterne avec celui d'un jeune homme de 15 ans, Ayden, qui ne songe qu'à faire un mauvais coup du côté des campements de réfugiés. C'est un adolescent tristement esseulé, qui subit la mauvaise influence de son ami Aurélien : « Pour tromper l'ennui, ils faisaient claquer des pétards sous les piliers de béton. Finalement, l'existence tout entière semblait se résumer à ça : tromper l'ennui, et attendre les ombres du soir. » Après avoir été mutilé par des feux d'artifice qu'il manipulait, Ayden décide lui aussi de tailler la route, espérant monter à bord d'un voilier qui l'emmènera loin.

D'emblée, on est frappé par le talent avec lequel l'autrice joue sur le registre d'un nature writing des plus délicats et gracieux. Ce monde de 2034 est en proie à de gigantesques incendies et à la pénurie d'eau ; des villages entiers sont avalés par des torrents de boue et des milliers de personnes délogées campent près des centres commerciaux. Malgré cela, les deux personnages évoluent dans un environnement aux montagnes majestueuses où l'on n'entend que le chant des oiseaux et des insectes et où l'on peut encore contempler la voie lactée. La marche est rédemptrice et permet la résilience : on se perd finalement pour mieux se trouver. Les chemins des deux jeunes gens vont finir par se croiser et c'est sous le regard vigilant de « veilleurs » qu'ils font véritablement connaissance, alors qu'ils explorent leurs vrais ou faux souvenirs lors d'une séance d'immersion dans un programme de réalité alternative. On ne dévoilera pas comment ils se sont retrouvés dans le centre de Recouvrance, sur une île qui accueille des adolescents en rupture de vie. Là, ils apprennent à retisser un lien entre eux et avec la terre, loin d'un survivalisme désespéré. L'utopie est ici réparatrice, et Anastasia et Ayden vont opposer aux prédictions postapocalyptiques la volupté d'une nature qui conserve une aura magique et mystérieuse.

Sans naïveté aucune, au fil d'une poésie consolatrice, Émilie Querbalec mêle la science-fiction et le merveilleux dans un roman à peine futuriste qui, loin des sempiternels univers glaciaux des intelligences artificielles dominant trop souvent le genre, parvient à profondément nous émouvoir.