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Ghislaine Dunant "ne comprend pas la polémique" sur Charlotte Delbo

Charlotte Delbo

Ghislaine Dunant "ne comprend pas la polémique" sur Charlotte Delbo

Dans une tribune publiée jeudi sur le site de L'Obs, Violaine Gelly, coauteure en 2013 d'une biographie de l'écrivaine et résistante Charlotte Delbo chez Fayard, regrette que son travail ne soit pas cité par Ghislaine Dunant, dont le Charlotte Delbo, la vie retrouvée (Grasset), a reçu mardi le prix Femina essai.

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Par Marine Durand,
Créé le 27.10.2016 à 20h47

La polémique n'a pas tardé à surgir, après la remise du prix Femina essai à Ghislaine Dunant, mardi 25 octobre. L'auteure, couronnée pour Charlotte Delbo, la vie retrouvée, un essai littéraire de 597 pages paru chez Grasset en août, se serait inspirée des nombreux travaux déjà parus sur l'écrivaine et résistante française sans jamais citer ses sources, ni donner de bibliographie. En particulier de la biographie de Violaine Gelly et Paul Gradvohl, Charlotte Delbo, parue chez Fayard en 2013.

"Je ne suis pas biographe, et ce livre fleuve n'est pas une biographie. C'est volontairement que je n'ai pas indiqué de bibliographie à la fin de cet ouvrage", répond Ghislaine Dunant, contactée par Livres Hebdo et qui explique "ne pas comprendre la polémique" née il y a deux jours.

"Pas une citation, pas une référence"

La romancière Tatiana de Rosnay a été l'une des premières à critiquer, sur Twitter, le fait que Ghislaine Dunant ne cite pas le travail de Gelly et Gradvohl, dénonçant un "manque de classe et de professionnalisme". Ses nombreux tweets sur le sujet ont par la suite été repris et commentés par plusieurs internautes. Jeudi matin, Violaine Gelly elle-même a pris la plume pour donner son point de vue dans L'Obs. Rappelant que Charlotte Delbo, "écrivaine, résistante, déportée, saluée comme l’égale au féminin d’un Primo Levi", a fait l'objet de très nombreux mémoires, conférences ou publications depuis sa mort, en particulier à l'occasion du centenaire de sa naissance, Violaine Gelly, dans une tribune intitulée "Charlotte Delbo : pourquoi le Femina essai fait polémique", regrette que "pas une citation, pas une référence, pas la moindre bibliographie" ne figure dans le texte de Ghislaine Dunant.

"On peut se féliciter de voir Delbo recevoir les honneurs littéraires qu’elle n’a pas connus de son vivant. On peut, dans le même temps, s’agacer que ce soit par un livre qui se revendique comme touché par la grâce de l’écrivain. Un écrivain dont l’omnipotente connaissance naît sous l’inspiration de l’émotion ou, comme dit Ghislaine Dunant, de la résonance avec son sujet. Aucun travail n’a jamais été diminué de rendre hommage à ceux qui l’ont précédé", tacle la biographe.

"Je ne suis pas biographe"

Interrogée par Livres Hebdo, Ghislaine Dunant s'étonne de ces réactions, et affirme ne s'être jamais inspirée de la biographie de Violaine Gelly et Paul Gradvohl. "En 2010, je suis allée voir Claudine Riera-Collet, amie et légataire testamentaire de Charlotte Delbo pour lui faire part de mon projet. Elle m'a informée que l'écriture d'une biographie autorisée venait de démarrer, ce qui ne m'a pas découragée. Nous avons eu de nombreuses conversations jusqu'à son décès, en 2014", raconte-t-elle, soulignant ses sept années de travail avant la publication de l'ouvrage.

Avertie par son éditeur, Grasset, de la polémique née après l'attribution du prix Femina, Ghislaine Dunant se défend de tout plagiat, et met en avant la différence de nature entre les deux ouvrages. "Je ne suis pas historienne, ni biographe. La biographie de Violaine Gelly et Paul Gradvohl ne s'intéresse pas à la femme intellectuelle qu'était Charlotte Delbo, à ses écrits. J'ai cherché à montrer, à travers mon livre, pourquoi une œuvre littéraire avait ce pouvoir de nous raccorder à notre passé. Il a évidement fallu déplier le contexte historique, la vie intellectuelle des années 1930, puis celle des années 1960, pour expliquer la réception de l'œuvre de Charlotte Delbo", détaille l'auteure, qui s'est appuyée sur les archives manuscrites de la résistante conservées à la Bibliothèque nationale de France et qui explique avoir consulté "peut-être 2 000 ouvrages" pour l'écriture de son livre. Et d'insister : "Il n'y a pas de bibliographie, c'est délibéré."

Selon Ghislaine Dunant, Grasset pourrait envisager une action en justice pour diffamation si ces attaques continuaient.


 

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