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Henriette Michaud, « Freud à Bloomsbury » (Fayard) : Le patient anglais

Sigmund Freud - Photo DR

Henriette Michaud, « Freud à Bloomsbury » (Fayard) : Le patient anglais

Dans un essai érudit et plein d'humour, Henriette Michaud célèbre le couple Strachey, qui a introduit Freud en Grande-Bretagne.

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Par Jean-Claude Perrier
Créé le 04.02.2022 à 19h45 ,
Mis à jour le 07.02.2022 à 18h07

Sigmund Freud (1856-1939) était anglophone, anglophile, adepte de l'English way of life. Il ne portait que des costumes en tweed de Savile Row. Grand admirateur de Shakespeare, il rêvait par-dessus tout de devenir un écrivain anglais. Un souhait qui a fini par se réaliser à la toute fin de sa vie quand, en exil à Londres à partir de 1938 et luttant contre un sale cancer, il a mis la dernière main à son ultime ouvrage, L'homme Moïse et la religion monothéiste, lequel paraîtra en 1939, en même temps en anglais et en allemand. Le père de la psychanalyse mourra la même année, le 23 septembre.

L'aventure ne put être menée à bien que grâce au couple Strachey, James et Alix, membres éminents de ce qu'on a appelé le groupe de Bloomsbury, un cénacle de lettrés, aristocrates, excentriques, anciens élèves de Cambridge, artistes et bobos, pacifistes, la plupart gays, qui accueillaient volontiers les créateurs : Rupert Brooke, E.M. Forster ou les Woolf, Virginia et son mari Leonard, l'éditeur de Hogarth Press, en furent. Mais ce sont les Strachey − qui avaient été les patients de Freud à Vienne dès 1920, James surtout −, qui se firent les traducteurs, les passeurs, les militants de son œuvre dans leur pays, où le docteur n'avait pas que des amis. James devint à son tour analyste, et Alix avant tout traductrice. Ils seront les chevilles ouvrières de ce qu'on appelle la Standard Edition des œuvres complètes de Freud en anglais, vingt-quatre volumes établis de 1953 à 1966.

Cette histoire rocambolesque, autant que la vie des Strachey, faite de ruptures, d'infidélités, de retrouvailles et d'amour, qui mieux qu'Henriette Michaud pouvait la raconter ? Angliciste, psychanalyste, elle a déjà travaillé sur Freud et Shakespeare. Son essai, érudit sans être pesant, plein d'humour et d'admiration pour ses héros, morts octogénaires, se lit comme un roman. C'est toute une partie de l'intelligentsia européenne de l'entre-deux-guerres qui revit sous nos yeux fascinés, jusqu'à ce qu'elle soit victime des ravages de la barbarie nazie. Le Juif Freud est mort juste avant.

Henriette Michaud
Freud à Bloomsbury
Fayard
Tirage: NC
Prix: 21,50 € ; 288 p.
ISBN: 9782213718385

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