Pauvre bourgeoisie. Dans la très bourgeoise famille Dubreuil, il y a le père, Hubert, qui a épousé Marie-Cécile, héritière de la prestigieuse parfumerie Vuillard. C'est lui qui, avec la bénédiction de ses beaux-parents, dirige l'entreprise, à l'ancienne. Les Dubreuil sont de droite libérale, et catholiques très tradis, adeptes de la Manif pour tous. Ils ont quatre enfants, dont l'aîné, Antoine, va vite causer à ses géniteurs quelques motifs d'inquiétude. Il préfère jouer à la dînette, coudre et lire que s'adonner aux plaisirs musclés de ses condisciples, pour lesquels il éprouve d'ailleurs une attirance physique précoce. Du côté des filles, en revanche, il préfère ne pas. À sa façon, polie, discrète, Antoine va jouer le rôle du vilain petit canard, ou du Groseille dans un nid de Le Quesnoy, la cruauté en moins. Car Antoine est un gentil garçon, bon élève, bien élevé, beau gosse de surcroît, qui ne demande qu'une chose : qu'on lui permette de vivre comme il en a envie, avec qui il désire : Paco, en l'occurrence, un charmant professeur de lettres, avec qui il parviendra à s'installer et même à se marier, après l'instauration du mariage pour tous par une gauche qu'Hubert déteste. Mais ce dernier devra bien s'y adapter, ainsi qu'à la mondialisation qui fragilise les parfums Vuillard.

À travers la lecture stimulante de ce gros roman, où alternent narration d'Antoine et chapitres sur le reste de la famille, c'est toute l'histoire récente de la France qui défile, avec ses problématiques politiques, sociétales, morales. On pense bien sûr à La vie est un long fleuve tranquille d'Étienne Chatiliez. La vie d'Antoine ne l'est pas, mais il finira par triompher, tranquillement, sans drames ni pathos.