Retour aux sources. « Rien ne nous faisait peur, rien ne nous intimidait - sauf l'ignorance, la bêtise, le non-savoir [...] Notre prison était un royaume. Notre royaume n'était pas de ce monde. Nous ne savions rien de la vie mais tout sur ceux qui ont tenté de la comprendre. » Nous, en l'occurrence, c'est eux, qui suscitent depuis toujours envie, admiration et un soupçon de méfiance, les normaliens de la vieille maison rue d'Ulm, l'École normale supérieure. À l'heure où tombaient un mur à Berlin et pas mal d'illusions au sein de cette étrange tribu, Éliette Abécassis fut l'une d'entre eux. Pour les besoins de la jolie collection nouvellement créée chez Flammarion, « Retour chez soi », elle revient sur ses pas dans 45 rue d'Ulm. Trente-cinq ans plus tard, inquiète et déterminée à la fois, elle retrouve pour un jour, une nuit, ce qui fut sa première turne, sa chambre d'étudiante à l'école. Étrange et périlleux retour en arrière qui est d'abord un retour à soi, pour une autrice à l'œuvre profuse, mais qui avoue, tourmentée, ne plus très bien savoir pourquoi elle écrit. On ne peut que constater qu'elle doit avoir trouvé dans ces corridors de sa jeunesse la réponse à cette question, tant ce livre, où pour la première fois elle parle d'elle à la première personne, est un merveilleux récit générationnel, dans lequel les mots comme surgis du passé se ramassent à la pelle. On y revivra des nuits sur les toits de l'ENS, une soirée LGBTQI+, on y croisera quelques anciens condisciples devenus célèbres (Bruno Le Maire ou Thomas Piketty) et une jeune femme pas encore écrivaine, mais que l'on devine déjà talentueuse, qui hésitait encore à être Simone Weil ou Rita Hayworth...