Disparition

Jean-Louis Murat : le chanteur, le poète et l'éditeur

Jean-Louis Murat lors du Nancy Jazz Pulsations 2004 - Photo JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN / AFP

Jean-Louis Murat : le chanteur, le poète et l'éditeur

Le chanteur auvergnat s'est éteint jeudi 25 mai à l'âge de 71 ans. Outre une carrière musicale pléthorique, il avait fait l'objet d'une biographie et s'était essayé à l'édition. 

Par Pierre Georges,
Créé le 25.05.2023 à 18h06 ,
Mis à jour le 31.05.2023 à 16h04

C'est un monument de la poésie et de la chanson française qui s'effondre : Jean-Louis Murat, 71 ans, est décédé jeudi 15 mai à son domicile, dans le Puy-de-Dôme qu'il a chanté pendant des décennies. « Une part de l'Auvergne part avec lui », a réagi le maire de Clermont-Ferrand, Olivier Bianchi, saluant sur Twitter « la beauté du texte, la franchise du mot, la sincérité du chant ». Des artistes comme Christine and the Queens, Benjamin Biolay, Axel Bauer ou Nicola Sirkis lui ont déjà rendu hommage.  

C'est son ancienne maison de disques, Pias, label indépendant, qui a annoncé à l'AFP son décès, sans préciser les causes de sa mort, confirmant des informations de presse. Le label sortira vendredi 26 mai un best-of qui était déjà programmé.

Outre une prolifique carrière de « chanteur rimbaldien », comme le qualifient Les Inrockuptibles, Jean-Louis Murat avait l'objet d'une biographie, Coups de tête (D. Carpentier, 2015), signée par Sébastien Bataille et préfacée par Dominique A. Y était retracée l'œuvre pléthorique de l'Auvergnat, grâce aux témoignages de collaborateurs, mais aussi via de célèbres interviews, aphorismes et autres prises de positions médiatiques affirmées. 

En 2001, il s'était également essayé à l'édition, à l'occasion de la sortie de son album Madame Deshoulières, fruit d'un travail avec Isabelle Huppert et Daniel Meier. Était alors parus chez l'éditeur stéphanois Cahiers Intempestifs des écrits d'Antoinette Deshoulières, femme de lettres du XVIIe siècle, choisis et préfacés par Jean-Louis Murat. On pouvait notamment y lire une introduction signée de ses soins à l'adresse de Madame Deshoulières : « Ah ! Vous écrivez comme chacun, pour vivre quelques instants de plus ! Ah ! Vous demandez à vivre plus que ça ! J’ai mis en musique quelques-uns de vos poèmes, j’ai demandé à Isabelle Huppert – sur votre suggestion – de vous incarner. » 

En 2005, il avait également signé 1451, un recueil de poèmes en fac-similé, contenant CD et DVD, publié par Scarlett Editions, sa propre maison d'édition.

L'âme de l'Auvergne 

Jean-Louis Murat, né Jean-Louis Bergheaud le 28 janvier 1952, avait fait d'un village de sa région natale, Murat-le-Quaire (Puy-de-Dôme), son nom d'artiste.

Quand il montait sur scène, regard bleu acier, voix de séducteur lancinante avec son groove si particulier, ce n'était « pas pour faire plaisir aux gens » mais pour les « déstabiliser », voire « les dégoûter », disait-il à l'AFP en 2014. Les charmer, aussi, passant volontiers de l'anecdote pleine d'humour noir à la plus forte des poésies et mélangeant influences du terroir auvergnat autant que des nuits américaines.

Avec l'album La Vraie Vie de Buck John (2020), titre d'une BD de sa jeunesse, il avait signé un autoportrait en clair-obscur, baladin perdu dans son époque, toujours fasciné par le groove du sud des États-Unis.

« Moi, je n'ai pas de caillasse, je n'ai pas de succès, mais, au moins, je ne pense pas faire de la chanson démagogique », confiait-il lors de ce même entretien, avec son habituel franc-parler. Certains de ses morceaux comme « Sentiment nouveau », « Fort Alamo » et « Si je devais manquer de toi », son premier tube commercial, comptent parmi les plus connus d'une carrière prolifique, avec 24 albums en trois décennies.

« La mélodie à la française, c'est comme l'addiction au sucre »

Le chanteur a connu les sommets des hit-parades en 1991 à la faveur d'un duo avec Mylène Farmer (Regrets). Charismatique, un tantinet bad boy, il a également joué un petit rôle aux côtés d'Isabelle Huppert dans La Vengeance d'une femme de Jacques Doillon en 1990. Volontiers provocateur, Jean-Louis Murat avait fait scandale à ses débuts dans les années 80 avec « Suicidez-vous le peuple est mort », certains médias craignant que ce titre soit une incitation au suicide. La pochette était signée par le photographe des stars Jean-Baptiste Mondino.

Musicalement aussi, ses partis pris radicaux pouvaient susciter une forme d'incompréhension. Il avait dérouté avec l'ovni Travaux sur la N89 (2017), qui faisait le pari de la déconstruction, en délaissant guitares et mélodies pour mieux se réinventer sur la base de sons synthétiques et électroniques.

« La mélodie à la française, c'est un peu comme l'addiction au sucre. Je voulais absolument m'en écarter et repartir de zéro. Ça a donné “N89” et je n'étais pas sûr que ça fasse un disque. Mais, finalement, il a été assez réussi pour moi, parce que ça m'a redonné de l'énergie et je me suis de nouveau considéré en devenir », assurait-il à l'AFP en 2018.

 

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