Francfort 2021

Jonathan Landgrebe (Suhrkamp) : "notre indépendance participe à la diversité de la littérature"

Jonathan Landgrebe, patron de la maison d'édition allemande Suhrkamp - Photo Isabel Contreras

Jonathan Landgrebe (Suhrkamp) : "notre indépendance participe à la diversité de la littérature"

Le patron de la maison d'édition littéraire allemande, Suhrkamp, s'exprime sur cette édition particulière de la Foire internationale du livre de Francfort et sur les sujets qui agitent l'édition mondiale.

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Par Isabel Contreras,
Créé le 22.10.2021 à 15h00

Cette édition de la Foire internationale du livre de Francfort est la première en présentiel depuis 2019, comment êtes-vous en train de la vivre ?
Très bien ! Je suis content de retrouver enfin les éditeurs étrangers et de reprendre une activité normale, avec l'organisation de rencontres en librairie notamment. La lecture n'est pas seulement solitaire, c'est important de partager la joie qu'elle nous procure. Et j'ai l'impression qu'il est possible de recommencer à le faire.

Pourtant, la plupart de vos confrères allemands ont décidé de ne pas participer à la foire. On remarque aussi l'absence des éditeurs américains et asiatiques. Cela n'a pas gâché la fête ?
C'est vrai que certains éditeurs allemands ont considéré qu'il était encore tôt de venir à la foire en raison de la crise sanitaire. Mais je ne m'inquiète pas outre mesure car je sais, pour l'ensemble de l'édition allemande, que ce rendez-vous annuel est très important. Et on a tous la volonté de continuer à l'honorer. En ce qui concerne les éditeurs américains et asiatiques, certes ils ne sont pas venus mais je remarque la présence en force des européens, ça bouge quand même !

Avec la crise sanitaire, avez-vous remarqué un repli sur les littératures nationales ?
Cela n'a pas été le cas en Allemagne où la littérature étrangère est très importante. Chez Suhrkamp, nous comptons parmi nos auteures phare, Annie Ernaux ou Marie N'Diaye. Annie Ernaux a, par exemple, une forte résonnance en Allemagne. La littérature étrangère représente encore 15% de la production allemande quand, chez Suhrkamp, cette part s'élève à 50%.

La ligne éditoriale de Suhrkamp a souvent été comparée à celle de Gallimard en France. Quels sont les derniers titres français qui vous ont intéressés ?
Nous avons récemment acquis, toujours chez Gallimard,  Canoës de Maylis de Kerangal ainsi qu'Aussi riche que le roi, le premier roman d'Abigail Assor. Par ailleurs, nous enrichissons notre catalogue jeunesse qui se porte très bien, grâce notamment à (une autre autrice Gallimard, ndlr), Christelle Dabos et son Passe-miroir. Et nous avons acquis plusieurs titres d'autrices françaises comme Rebecca Dautremer. Mais nous n'avons pas réaliser d'acquisitions pendant cette foire.

En France, de grands mouvements de concentration sont en train d'avoir lieu,  on pressent notamment un rapprochement entre Hachette et Editis. Quel regard portez-vous sur cette situation ?
C'est très difficile de juger la situation d'un autre pays. Mais je peux vous parler de l'Allemagne. Ici nous avons trois grands groupes et de nombreuses petites maisons d'édition. Cette situation reste stable. Nous sommes fiers d'être indépendants chez Suhrkamp car nous sommes convaincus que cela participe à la diversité de la littérature. Nous pouvons mener à bien des projets éditoriaux que les plus gros ne peuvent pas entreprendre par manque agilité. Ce sont, pour nous, des opportunités de croissance.

Qu'est-ce qui vous permet de croire que l'esprit d'indépendance n'est pas en danger en Allemagne ?
Il faut que le cadre juridique et économique reste favorable, c'est le cas en Allemagne avec le prix unique du livre mais pas seulement. Ici, le marché est vivant grâce à un grand nombre de librairies indépendantes. La distribution est, elle aussi, clé. Nous disposons d'un grand nombre de diffuseurs et de distributeurs, et la majorité d'entre eux sont indépendants des grands groupes d'édition. Cela est aussi une garantie de diversité éditoriale.

En France, ces derniers mois, plusieurs auteurs stars de la librairie ont décidé de se passer d'éditeur et de lancer leur propre structure, en accord avec un distributeur. Rencontrez-vous une situation similaire en Allemagne ?
Pas particulièrement. Cela a toujours existé, surtout aux Etats-Unis. Mais la plupart de ces auteurs finissent par retourner chez leur éditeur au bout d'un certain temps.  Je n'ai personnellement aucun problème avec ceux qui décident de se lancer en solitaire. Mais au bout d'un moment, ils se rendent compte de la complexité de l'édition. Une maison d'édition est composée d'un ensemble de métiers qui, pris séparément, paraissent faciles à exécuter. Mais c'est très complexe de les faire fonctionner de manière harmonieuse et c'est bien ce que comprennent beaucoup de ces auteurs qui décident, à un certain moment de leur carrière, de s'autoéditer.
 

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