Entretien

Jörg Hagen : "Nous visons une croissance de 50 % d'ici à cinq ans"

Jörg Hagen : "Nous visons une croissance de 50 % d'ici à cinq ans"

Quatre mois après son rachat par Najafi, DirectGroup France, qui revendique en France la 2e place dans la vente de livres avec ses librairies et son site Chapitre, et la 3e dans l'édition avec France Loisirs et Le Grand Livre du mois, fait l'objet d'un profond changement. Rebaptisé Actissia, il s'apprête à diversifier ses activités bien au-delà du livre. Entretien avec Jörg Hagen, président, et Michel Goujon, directeur de la stratégie.

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Par Clarisse Normand
Créé le 29.05.2015 à 18h03 ,
Mis à jour le 12.10.2015 à 17h48

Livres Hebdo - DirectGroup France devient Actissia. Quelle est la stratégie de cette nouvelle entité ?

"Grâce à notre savoir-faire en matière de recrutement de clients, de « customer services » et de logistique, nous allons développer un système par abonnement pour vendre des produits cosmétiques." JÖRG HAGEN- Photo OLIVIER DION

Jörg Hagen - Cela fera bientôt quatre mois que DirectGroup France a quitté le giron de Bertelsmann. Dès lors, il n'y avait plus de raison de s'appeler DirectGroup car ce nom appartient à notre ancien actionnaire et est toujours utilisé par certaines de ses divisions. En outre, pour nous, changer d'appellation est une façon de marquer le début d'une nouvelle histoire. Durant tout l'été, nous avons effectué une analyse stratégique de l'entreprise. Si la distribution de produits culturels a bien vocation à rester au coeur de notre métier, il nous est apparu qu'en quittant le cadre d'un groupe industriel nous retrouvions une marge de manoeuvre pour développer d'autres choses. Le nom Actissia reflète cette vision en renvoyant à l'action et à l'idée de liens. Nous avons 5,5 millions de clients, dont 4 millions à travers nos clubs et 1,5 million par nos librairies. Eh bien, nous voulons leur offrir de nouveaux produits et services. Deux offres sont déjà prévues avant la fin de l'année en télécommunication et en produits cosmétiques. Mais Actissia a aussi les capacités de développer des activités en B to B, en proposant certaines de ses compétences à d'autres professionnels. En résumé, Actissia passe du produit culturel à la culture du lien tout en respectant son ADN qui inclut la gestion de systèmes d'abonnement et de communautés.

Comment va s'organiser ce nouveau groupe ?

"La rentabilité des librairies est de seulement 0,3 %. Il faut revoir notre façon de travailler avec les éditeurs. Le moment est venu de passer à des actes." MICHEL GOUJON- Photo OLIVIER DION

J. H. - Il va s'appuyer sur quatre pôles d'activités complémentaires : "Club", "Retail", "New Media" et "Services". Actissia Club aura pour objectif de renforcer la relation avec les adhérents de France Loisirs et du Grand Livre du mois en leur proposant de nouvelles offres. Actissia Retail aura pour vocation de développer le réseau de librairies Chapitre dans le cadre d'une démarche multicanal mais aussi à travers des partenariats. Actissia New Media va prendre en charge toutes nos activités sur Internet, c'est-à-dire l'e-commerce, le numérique avec les ebooks, mais aussi les sites communautaires parmi lesquels Quintonic, que nous allons lancer dans les semaines qui viennent pour les 50 ans et plus. Enfin, Actissia Services regroupera l'expertise du groupe en matière de relation clients, de logistique, d'informatique, de numérisation-scannérisation-print on demand, en vue de commercialiser ces compétences auprès de clients professionnels.

Vous avez évoqué des diversifications. Comment ces nouvelles activités vont-elles s'intégrer dans le groupe ?

J. H. - Cela passera par des partenariats. Actissia veut attirer des entrepreneurs en mettant à leur disposition ses actifs. Je vous ai parlé de produits cosmétiques. Grâce à notre savoir-faire en matière de recrutement de clients, de « customer services » et de logistique, nous allons développer un système par abonnement pour vendre des produits cosmétiques. Dans le même esprit, nous allons travailler avec le site Internet Best of artisans qui met en relation les particuliers désireux de faire des travaux et les professionnels qui cherchent des chantiers. En plus, ici, nous réfléchissons à l'édition d'une série de livres consacrés au bricolage et placés sous la marque Best of artisans.

En 2009, avec Volumen, vous avez créé Loglibris. Vous aviez alors imaginé une logique de partenariat avec les librairies indépendantes afin de leur proposer les services de la plateforme logistique. Entre-temps, l'outil a connu des problèmes de fonctionnement. Où en êtes-vous aujourd'hui ?

J. H. - Aujourd'hui, il n'y a plus aucun souci. L'entrepôt fonctionne très bien, tant pour la distribution des éditeurs que pour la librairie. Nous pouvons donc chercher sérieusement des partenariats. Nous avons des discussions en cours avec des libraires ou des personnes qui envisagent d'ouvrir des librairies.

Envisagez-vous d'autres types de partenariat avec les libraires ?

J. H. - C'est ce que je souhaite. Nous avons réalisé, pour Chapitre, d'importants investissements en logistique, en informatique, en marketing pour fidéliser les clients... Tout cela doit être mis à la disposition des libraires indépendants. L'idée n'est pas de créer un système de franchise mais de développer des partenariats à géométrie variable sous la marque Chapitre. Il y a une logique commerciale dans le fait d'appartenir à une marque nationale, de même qu'il y a une logique à mutualiser nos forces. Nous avons intérêt à travailler tous ensemble.

Michel Goujon - C'est d'autant plus important que le premier challenge de la profession est d'améliorer sa rentabilité. Je vous rappelle qu'en moyenne celle-ci est de seulement 0,3 %. Il faut revoir notre façon de travailler avec les éditeurs. Le moment est venu de passer à des actes.

Quels sont vos projets dans le domaine du numérique ?

J. H. - Nous avons de fortes ambitions. Au cours de ces douze derniers mois nous avons créé une chaîne complète intégrant la numérisation, la scannérisation, la transformation et l'hébergement de fichiers, ainsi bien sûr que leur vente. En outre, nous allons proposer une nouvelle génération d'Oyo, notre liseuse lancée il y a un an. Et avant Noël, nous étofferons cette offre de nouvelles tablettes, en couleurs et en noir et blanc, avec d'autres prix et d'autres usages.

Pour l'heure, le marché du livre numérique n'existe quasiment pas en France...

J. H. - C'est vrai. Mais je suis convaincu qu'il va démarrer au cours des douze prochains mois, en tout cas avant Noël 2012. Le problème repose aujourd'hui sur le manque de contenus. Cela va changer. Par ailleurs, nous travaillons avec des partenaires à l'étranger afin d'offrir aussi des livres en langue anglaise, espagnole, allemande, italienne...

M. G. - Avec France Loisirs, le groupe a toujours travaillé en partenariat avec les éditeurs français. Dans le domaine du numérique, nous continuerons. Notre ambition est d'accompagner le développement de l'offre tout en proposant parfois des exclusivités comme nous le faisons déjà pour les livres papier.

Envisagez-vous un système d'abonnement pour distribuer le livre numérique ?

J. H. - C'est très difficile, car aujourd'hui les éditeurs ne le souhaitent pas. Pourtant ce serait intéressant. Aux Etats-Unis, Amazon a déjà réfléchi à un système d'abonnement pour les livres épuisés et anciens. En tout cas, si les éditeurs français souhaitent un jour distribuer leurs livres numériques par abonnement, nous serons là, car c'est au coeur de notre savoir-faire.

Quels sont vos objectifs de chiffre d'affaires ?

J. H. - Nous réalisons actuellement 600 millions d'euros de chiffre d'affaires. Nous visons une croissance de 50 % d'ici à cinq ans. Une partie viendra de nos nouvelles activités, mais l'essentiel restera assuré par notre métier historique. Actuellement, 75 % de notre chiffre d'affaires est assuré par nos 230 magasins. Or on sait que pour tous les marchés, culturels ou autres, la croissance passe par le digital. Bien sûr, il faut préserver notre réseau physique, mais il faut aussi développer fortement nos activités Internet et numérique. L'objectif est d'amener ces dernières au même niveau que nos activités en points de vente.

M. G. - A moyen terme, nous ambitionnons d'avoir une part de marché de 15 % dans le livre numérique. En considérant que dans cinq ans, le livre numérique représentera 15 % du marché du livre, soit, à données constantes, environ 600 millions d'euros, notre activité numérique réaliserait alors 100 millions d'euros de chiffre d'affaires.

Comment seront financés tous ces développements ?

J. H. - Par autofinancement. Nous avons suffisamment de cash pour éviter de recourir aux banques et d'en appeler à notre actionnaire. Et pour l'avenir, nous disposons, notamment dans le domaine immobilier, d'un certain nombre d'actifs non stratégiques cédables en cas de besoin pour assurer des investissements importants. Aujourd'hui, notre groupe est redevenu autonome dans son fonctionnement.

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