Marc Biancarelli est corse. La critique pourrait s’arrêter là. Car cette corsité nourrit à la fois sa vie, son métier : il vit en Corse, il est professeur de corse. Son écriture : il a publié en corse plusieurs ouvrages chez un éditeur corse, Albiana. Dont, en 2009, Murtoriu, roman traduit en français par son compatriote et ami Jérôme Ferrari (Actes Sud, 2012) sous-titré Ballade des innocents. Joli sous-titre, de surcroît, et qui pourrait convenir aussi bien à son nouveau roman, écrit directement en français. Un western épique et métaphysique, dans une langue âpre et lyrique, lent, très lent, et méchamment cruel. L’histoire se situe en Corse vers la fin du XIXe siècle, à l’époque de Mérimée. L’un des deux héros, d’ailleurs, s’appelle Colomba. Ange Colomba, surnommé "l’Infernu", est un aventurier. Dans sa jeunesse, refusant la conscription instaurée par Bonaparte, il a pris le maquis, et mené toutes les guérillas d’indépendance, dans son pays avec les Poli et Antomarchi, desperados, mais aussi en Italie, contre les Toscans, et même en Grèce, jusqu’à Missolonghi. Aujourd’hui, il est âgé, mourant, et il loue ses services comme tueur à gages.

Justement, la jeune Vénérande a besoin d’un bras pour l’aider à assouvir la vendetta qui la hante depuis des années. Quand une bande de quatre brigands, Le Long et les trois frères Santa Lucia, après avoir dérobé les porcs de la famille, ont mutilé son jeune frère, Charles-Marie dit Petit Charles, témoin de la scène, afin qu’il ne puisse pas les dénoncer. Ils lui ont coupé la langue, et se sont acharnés sur lui. Sur la jeune fille seule pèse le redoutable "sens de l’honneur" méditerranéen atavique. Elle est intelligente, courageuse, persuasive. Pour quelques milliers de piastres, après avoir fait sa coquette, Colomba a accepté le contrat.

Voici donc notre tandem improbable, la bonne et la brute, sur la piste des truands. Chemin faisant, Ange n’épargne à sa patronne aucun épisode de sa longue carrière aventureuse, y compris les plus scabreux. Il commence par lever Faustin le Rat, qui, avant qu’il ne l’achève, lui révèle où se cachent les quatre salopards. Le Long, le flingueur, se fait flinguer sans problème. Restent les Santa Lucia. U Verciu - le Bigleux -, le cadet et le pire de tous. Le Gros, l’aîné, une brute épaisse. Et le Rasé, le plus jeune, un vrai sadique. Il faudra que les héros unissent leurs forces pour en venir à bout. Mais Colomba a sérieusement morflé. Vénérande aura à peine le temps de le conduire à la mission des oblats de Marie Immaculée pour qu’il y meure, en odeur de sainteté. Tout y est. Il ne manque plus qu’un Sergio Leone corse pour en faire un film, en V O corse. J.-C. P.

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