« Cela n’a pas été une décision facile à prendre, mais hier, j’ai vendu ma librairie ». C’est en ces mots que Mickaël Brun-Arnaud, fondateur de la librairie Le Renard Doré, a annoncé samedi 2 août, sur son compte Instagram (@thefoxstoryteller), la vente de son établissement. La librairie passe désormais sous la direction de deux nouveaux propriétaires, Noure Ait Mohand et James Brissac, déjà à la tête de la librairie mangas Le Daruma Shop à Montargis (Centre Val-de-Loire).
Depuis la parution du premier tome des Mémoires de la forêt (École des loisirs), série best-seller écoulée à plus de 200 000 exemplaires, Mickaël Brun-Arnaud a vu sa carrière littéraire prendre un tournant décisif. Également conseiller éditorial pour la collection « Renard Doré » chez Rue de Sèvres, l’ancien libraire est désormais contraint à des engagements liés peu compatibles avec l’activité de libraire.
« La librairie a besoin de personnes capables de l’incarner et de lui consacrer toute leur énergie »
En plus de l’écriture de ses ouvrages, dont Le croque-en-murs paru en avril dernier, et des séances de dédicaces, Mickaël Brun-Arnaud consacre trois mois de l’année aux interventions en milieu scolaire – « des moments magiques durant lesquels je me sens vraiment utile », décrit-il. Depuis déjà trois ans et demi, l’auteur jeunesse ne dirige donc sa librairie qu’à distance. Une configuration éprouvante, tant pour lui que pour son équipe. « La librairie a besoin de personnes capables de l’incarner et de lui consacrer toute leur énergie. Il fallait donc que ce rachat se fasse rapidement. C’est un peu l’ultime chance de survie pour que le projet, fragilisé par les dettes, subsiste », explique l’auteur à Livres Hebdo.
À l’instar de ses consœurs, la librairie spécialisée en mangas et en culture japonaise a en effet souffert des multiples crises survenues ces dernières années, et aggravées par une conjoncture économique défavorable ainsi que par une baisse générale des ventes de bandes dessinées. « Si la librairie a pu rester ouverte aussi longtemps, c’est uniquement grâce au succès des Mémoires de la forêt. De nombreux lecteurs sont venus découvrir la boutique qui a inspiré celle de l’histoire », confie le créateur de la forêt de Bellécorce. « Je ne compte plus le nombre de fois où j’ai dû réinjecter les revenus tirés de la série pour maintenir la librairie à flot », ajoute-t-il.
Afin d’assurer un avenir à sa librairie, Mickaël Brun Arnaud a donc publié une annonce pour officialiser sa mise en vente. Très vite, les réactions se sont multipliées, y compris du côté de Noure Ait Mohand et James Brissac. « Nous avons été très surpris d’apprendre que Le Renard Doré était à vendre, quand bien même, compte tenu de la carrière de Mickaël, cela semblait assez logique », fait savoir Noure Ait Mohand.
« En vendant ma librairie en 2025, je savais que je ne récupèrerais rien sur l’investissement »
Libraire expérimenté et passé par la chaîne des librairies Album, son associé, James Brissac, avait déjà croisé la route de Mickaël Brun-Arnaud à l’époque de l’ouverture du Renard Doré. Il avait alors postulé, laissant un souvenir marquant au libraire. « L’entretien s’était très bien passé. James débordait de créativité, mais il venait tout juste de quitter Album. Il avait touché une certaine somme d’argent et fourmillait de projets », se souvient le père d’Archibald Renard. Finalement, James Brissac a fondé, avec Noure Ait Mohand, sa propre enseigne, le Daruma Shop (Montargis). Elle aussi spécialisée en BD et mangas, la boutique a vu le jour en 2021. Depuis, les deux libraires et Mickaël Brun-Arnaud avaient pris l’habitude de toujours suivre avec « beaucoup de bienveillance » leur parcours respectif.
« J’ai eu un véritable coup de cœur pour ce couple de professionnels qui réalise un travail remarquable », confie-t-il. Soucieux de garantir la continuité de la librairie, l’auteur des Mémoires de la forêt a donc décidé d’en confier les rênes au jeune binôme, quitte à ajuster son prix de vente, en consentant une réduction de 100 000 euros. « De toute façon, en vendant ma librairie en 2025, je savais que je ne récupèrerais rien sur l’investissement. Et ça ne fait rien ! Elle m’a énormément apporté sur le plan humain », argue-t-il.
Entre passé et avenir
De leur côté, James Brissac et Noure Ait Mohand pouvaient se réjouir de diriger un commerce culturel florissant, au point d’avoir envisagé à plusieurs reprises de racheter ou de lancer une nouvelle boutique. « Le Renard Doré est une des rares librairies parisiennes qui s’apparentent le plus à l’idée que nous nous faisons d’une librairie spécialisée. Elle est très belle, avec des rayons très soignés et une offre, en matière de culture japonaise, particulièrement riche. Nous ne pouvions rêver mieux en termes de reprise ! » s’enthousiasme Noure Ait Mohand.
Si les deux nouveaux propriétaires entendent conserver le nom ainsi que l’esprit de la librairie, ces derniers envisagent toutefois d’y insuffler leur propre identité. Laquelle s’illustrera par l’enrichissement du fonds avec des « séries qui nous tiennent à cœur », mais aussi par un calendrier de rencontres et d’ateliers encore plus étoffé. Les deux associés prévoient également d’aménager un espace dédié au sein de la librairie pour mettre en valeur les affiches d’art inspirées de la culture populaire japonaise, qu’ils éditent à travers leur maison d’édition, Les Images Dérisoires.
Des départs voulus et contraints
L’équipe de la librairie connaît, elle aussi, quelques ajustements. En raison de la fragilité économique de l’enseigne, la structure salariale a été revue : sur les trois postes fixes existants, un seul sera conservé. L’un des salariés a choisi de partir pour explorer de nouveaux horizons, tandis qu’un autre a été contraint de partir. La libraire maintenue sera quant à elle épaulée par une apprentie, dont le contrat est toujours en cours.
En dépit de ces bouleversements, les nouveaux propriétaires ont à cœur de faire perdurer l’esprit du Renard Doré, en restant fidèles à ce qui, jusque-là, a fait son succès : une offre culturelle exigeante, une identité forte, et un lien de proximité avec son public.